Rapport – Emplois exposés/emplois abrités : une nouvelle réalité économique
L’opposition traditionnelle entre emplois industriels et de services n’est plus aussi probante qu’auparavant. Les auteurs du rapport « Dynamique des emplois exposés et abrités en France », Philippe Frocrain et Pierre-Noël Giraud proposent une nouvelle distinction entre emplois « exposés » et emplois « abrités ».
Les emplois exposés
Ils se définissent comme :
- Ceux dont la production de biens et de services connectés à la mondialisation et donc soumis à la concurrence extérieure ;
- Ceux dont les emplois sont réalisables à distance ;
- Ceux dont les employés sont mieux rémunérés.
Le secteur exposé regroupe donc des emplois aussi divers que des ouvriers de l’automobile, des employés de call centers, des viticulteurs ou encore des ingénieurs en logiciel, les emplois liés au tourisme…
Même s’ils sont présents dans les métropoles et dans le Sud de la France (emplois liés au tourisme, au numérique, à la recherche et développement…), ils sont majoritairement implantés dans les zones d’emploi peu peuplées tels que l’Ouest, le Nord-Est et l’Auvergne (zones d’emplois de l’industrie manufacturière).
Les emplois abrités
Ils se définissent comme :
- Ceux dont la production est sédentaire ;
- Ceux dont la production est soumise à une concurrence locale ;
- Ceux dont les emplois sont proches de leurs bénéficiaires.
Les emplois abrités regroupent par exemple les coiffeurs, les boulangers, les kinésithérapeutes,…
Ils sont très présents dans le sud et progressent très fortement dans les métropoles, en particulier pour la qualité de vie offerte.
L’évolution de l’emploi exposé et de l’emploi abrité en France
Le premier constat de cette note est que l’emploi exposé diminue sur la période 1999-2013. Il est passé de 30 % à 26,8 % de l’emploi total.
L’emploi abrité, lui, a augmenté de 2,37 millions d’unités sur cette même période soit 13,7% de l’emploi total.
Le second constat est que ces emplois exposés ne sont plus seulement ceux de l’industrie manufacturière ou agricoles : ils se tertiarisent (1 emploi sur 2). Même si le secteur marchand a continué d’évoluer, l’emploi dans le secteur tertiaire a beaucoup plus progressé. « Les services exposés les plus dynamiques ont été les activités des sièges sociaux et de conseil de gestion (+172 000), les activités administratives et autres activités de soutien aux entreprises (+137 000), qui comprennent notamment les centres d’appel, la programmation, les conseil et les autres activités informatiques (+130 000), la recherche-développement (+63 000) et des activités liées au tourisme comme les activités créatives, artistiques et de spectacle (+69 000), ou l’hébergement (+41 000) ». Dans le secteur abrité, c’est la construction et la santé qui enregistrent les plus fortes hausses d’emploi, les secteurs associatifs et administratifs étant ceux qui en ont détruit le plus.
Comment interagissent les exposés et les abrités
Ces deux types d’emplois sont interdépendants et articulés. Le secteur exposé est par définition mobile. En s’implantant dans un territoire, il développe l’emploi abrité car les employés du premier secteur consommeront dans le second. Le rapport estime que pour 100 nouveaux emplois exposés, il y aurait 64 créations d’emplois abrités. Les auteurs mettent en avant 7 impacts :
- La préférence pour les biens et services abrités : plus la part des revenus consacrés à l’achat de produits abrités est élevée, plus la création de nouveaux emplois exposés favorise le nombre ou le revenu des travailleurs abrités.
- La technologie de production : plus la production abritée est consommatrice de main-d’œuvre, plus le supplément de demande adressée à ce secteur est susceptible de se traduire en embauches.
- Le type d’emplois créés dans le secteur exposé : on s’attend à ce que le multiplicateur soit plus grand quand des emplois offrant des rémunérations élevées apparaissent.
- Le taux de chômage : plus le taux de chômage d’une zone est faible, plus les entreprises doivent consentir à des augmentations de salaire pour attirer des travailleurs qui ont un pouvoir de négociation important.
- La mobilité géographique des travailleurs: si une zone est au plein emploi, il faut attirer des travailleurs d’autres territoires pour réaliser la production. Ceux-ci n’apprécient pas – en général – la mobilité, ne serait-ce que parce qu’elle induit des coûts et des désagréments. Si le taux de chômage est faible et la mobilité géographique est faible, ce sont surtout les salaires qui réagiront à l’augmentation de la demande de travail du secteur abrité et non l’emploi.
- L’offre de logement : une « faible » offre de logement ou de terrains constitue une entrave à la mobilité des travailleurs et au développement des entreprises, et freine par conséquent la progression de l’emploi dans le secteur abrité. Elle varie selon les conditions géographiques et réglementaires propres à chaque zone.
- Les bénéfices liés à l’agglomération : un grand bassin d’emploi permet d’avoir accès à une plus grande variété de consommations intermédiaires, de trouver plus facilement un profil de travailleur correspondant à ses attentes, de voir circuler davantage de connaissances, etc.
Au regard de ce cercle vertueux, on peut se demander si la concurrence internationale intrinsèque à l’emploi exposé ne crée pas des ruptures de solidarités économiques. En effet, « soutenir la compétitivité des emplois exposés, qui jouent un rôle décisif dans la création de richesses et d’emplois, pousse à limiter la progression des salaires, des profits et des rentes foncières dans le secteur abrité ».
Le rapport estime qu’il apparait essentiel, pour ne pas accroitre les inégalités (salaires, prix…), que les territoires français restent attractifs, que les politiques d’intensification de la concurrence, de la formation et du soutien à l’innovation et à la diffusion des technologies dans le secteur abrité soient performantes. Il faut donc soutenir le secteur exposé, estiment les auteurs, en ne négligeant pas le secteur abrité, car leurs interdépendances créent un cercle vertueux pour l’économie française.
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Le rapport Terrasse sur l’économie collaborative