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Des pistes pour l’extension de l’assurance chômage des indépendants

Un séminaire de France Stratégie qui s’est tenu le 23 mai avait pour vocation de présenter et d’explorer les pistes de travail d’un groupe informel réuni sous son égide dès 2016. Il réunissait différents experts extérieurs sur la question de la garantie du risque de perte ou d’insuffisance de revenu, au regard des mutations du travail. Retour sur la deuxième table ronde de ce séminaire, consacrée à l’assurance chômage des travailleurs indépendants.

Vanessa Wisnia-Weill, cheffe de projet au département Société et Politique sociales de France Stratégie animait cette table ronde.

Elle a rappelé qu’aujourd’hui, il y a un brouillage des frontières entre indépendants et salariés qui remettent en cause la notion d’assurance chômage construite sur la base de la « perte involontaire d’emploi ». De plus, la modification du profil des indépendants pose la question de leur assurance chômage : leur nombre augmente même s’il reste faible, et il y a une hétérogénéité des indépendants dont les fonds sont beaucoup moins patrimoniaux. Enfin, la crainte de perdre l’emploi se diffuse également parmi les non-salariés.

Une assurance chômage pour les indépendants : quel périmètre ?

Bruno Coquet, conseiller scientifique de France Stratégie, a ajouté qu’élargir l’allocation chômage aux indépendants serait selon lui pertinent.

Pour les indépendants, l’assurance chômage ne doit pas, selon lui, être un complément de revenu, ni un revenu de constitution en cas de chômage structurel ni un instrument de redistribution monétaire. Il faut toujours chercher à indemniser non pas un statut mais tenter de traiter les situations en termes de revenus individuels et indemnité de manière homogène.

Avant de mettre en place une assurance chômage pour les indépendants, il souligne également que nous avons besoin de définir son périmètre :

  • Les conditions (statut, durée…) ;
  • L’objet (salaire ou revenu ? pas les creux d’activité) ;
  • Les critères du caractère involontaire du chômage.

Et que nous avons besoin de définir la nature de la prestation :

  • Il faut qu’elle soit toujours moins avantageuse que l’emploi ;
  • Il ne faut pas qu’elle soit inconditionnelle ;
  • Il ne faut pas qu’elle soit soumise à des conditions de ressources.

Quels types d’assurance chômage pour les travailleurs indépendants de l’OCDE ?

 Rodrigo Fernandez, de l’OCDE, est intervenu ensuite pour présenter les systèmes de couverture des indépendants dans d’autres pays de l’OCDE.

Il a indiqué que dans la plupart des pays, il y a bien une notion légale de travailleurs indépendants mais qu’elle est loin d’être homogène.

En Europe, les assurances chômage pour les indépendants revêtent plusieurs aspects :

  • Il y a beaucoup d’aides pour démarrer une activité qui se sont développées pendant la crise, mais l’aide en cas de faillite n’existe pas dans tous les pays ;
  • Il y a des aides financières pour les chômeurs non éligibles à l’assurance chômage de leur pays ;
  • Il y a des systèmes publics/privés d’assurance volontaire, dans certains pays elle est même obligatoire ;
  • Il y a des fonds d’assurance (ex : pêcheur au Canada) ;
  • Il y a des comptes individuels ;
  • Il y a des pays qui n’ont pas d’assurance chômage pour les travailleurs indépendants.

Rodrigo Fernandez a présenté trois cas types :

  • Le Danemark

Il y a un principe d’assurance nationale sans considération de statut, car l’assurance chômage est volontaire aussi pour les salariés. Concernant l’éligibilité des travailleurs indépendants, le demandeur doit documenter la fin d’activité. Cette demande est examinée au cas par cas, ce qui représente une procédure très lourde pour le demandeur. L’allocation est calculée sur la base d’un revenu moyen des meilleures années d’activité sur les 5 dernières années mais le taux de remplacement et sa durée sont inférieurs à celui des salariés.

  • Le Portugal

Les travailleurs indépendants se revendiquent de l’emploi indépendant-dépendant, c’est-à-dire qu’ils n’ont qu’un seul client unique. Ces travailleurs indépendants-dépendants payent une contribution qui incluent une assurance chômage. L’éligibilité est liée à une cessation partielle d’activité ou cessation totale de l’activité. Le montant de l’allocation est indexé par le niveau de contribution, qui est elle-même liée au chiffre d’affaires du demandeur, et au degré d’indépendance vis-à-vis de l’employeur principal. Par exemple, si les revenus du travailleur proviennent à 81% du même employeur, alors le Portugal considère qu’il y a une forte dépendance et donc le taux d’allocation est de 50%.

Ici, l’aléa moral est faible car l’allocation peut être payée en une seule fois ce qui donne la possibilité à l’assuré de relancer une nouvelle activité.

  • Le Chili

Après une réforme de 2002, l’assurance chômage est devenue obligatoire pour les actifs. Elle prend la forme d’un compte individuel et d’un fonds solidaire. Les cotisations servent à alimenter ces deux fonds. Les employeurs y contribuent à 1,6% si l’employé est en CDD et 2,8% s’il s’agit d’un CDI. L’Etat donne également un pourcentage financier.

La pierre angulaire de cette assurance est le principe que le travailleur est propriétaire de l’argent cumulé. Si l’actif perd son activité, il doit déclarer vouloir utiliser l’argent du fonds individuel qu’il peut utiliser jusqu’à épuisement. Une fois épuisé, il peut utiliser le fonds solidaire pendant 7 mois et l’allocation est distribuée de façon décroissante. Il y a donc une forte incitation à retrouver une activité.

Le point de vue des travailleurs indépendants sur l’assurance chômage

Emmanuel Gigon, du RSI, est ensuite intervenu pour exposer le point de vue des travailleurs indépendants.

Selon l’enquête BVA de 2016, les travailleurs indépendants seraient 49% à être prêts à cotiser davantage pour la couverture ATMP mais aussi pour obtenir des annuités en cas d’arrêt de travail.

Emmanuel Gigon a témoigné que les administrateurs du RSI formulent des réserves face à ce type de cotisation, car ils ont le sentiment de perdre une partie de leur indépendance. De plus, ils ne souhaitent pas que les baisses de charges soient gagées sur une assurance. Ils sont majoritaires à souligner qu’il existe des assurances privées et ont peur du risque de dérive.

> Retrouvez les temps forts du séminaire France Stratégie

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