Les deux jambes de la réforme du travail
Dans une note de la Fondation pour l’Innovation Politique de juillet 2017, Faÿçal Hafied expose deux axes qui selon lui doivent guider la réforme du travail. Le premier vise à une plus grande flexibilité du marché du travail français. Le second s’intéresse à la sécurisation des parcours professionnels. Tout au long de cette note, l’auteur souligne que face aux changements du marché du travail, il faut apporter plus d’importance à la singularité et à la personnalisation des droits. Synthèse.
La note se présente en diptyque avec une première partie dédiée à la réflexion sur la flexibilité du marché du travail et une seconde consacrée à la sécurisation des parcours professionnels. Ces deux axes sont pour l’auteur, « les deux jambes de la réforme ». Ainsi, il nous propose d’explorer plusieurs pistes pour chacun des objectifs sur lesquels reposent ces deux grands axes.
Segmentation du marché du travail, assurance chômage et coût du travail : quelles pistes pour la flexibilité ?
Dans cette première partie, l’auteur observe tout d’abord une segmentation du marché du travail entre les actifs en CDD et les actifs en CDI. Il note qu’aujourd’hui, les entreprises privilégient l’embauche en CDD (qui représentent 2/3 des contrats signés actuellement) mais que l’objectif principal du contrat, qui était de créer une passerelle entre l’emploi temporaire vers l’emploi à durée indéterminée, est désormais dévié. En réalité, le CDI fait peur de par sa nature très protectrice et rigide, et d’un autre coté, le CDD est très pratique pour l’employeur qui comble ainsi un besoin de main d’œuvre à un instant précis. Ainsi, il est difficile d’observer une porosité entre les deux contrats, les CDD ayant peu de chance de se transformer en CDI. L’auteur propose ainsi 4 pistes pour ajuster ce dérèglement :
- Le CDI unique comportant plus de flexibilité. Les procédures de licenciement se verront assouplies avec l’intégration des motifs de licenciement dans le contrat de travail (à l’image du CDI de chantier) et/ou en plafonnant les indemnités de licenciement, mais également par un assouplissement des motifs du licenciement économique. L’auteur de la note propose également d’ajouter une plus longue période d’essai dans ce nouveau type de contrat ;
- La surtaxation des CDD, dont l’efficacité est jugée « discutable » par l’auteur car son impact sur le nombre de CDI signés par an n’a pas été démontré ;
- La mise en place d’un quota de CDD ;
- Un nouveau CDI tenant en compte des nouvelles aspirations des actifs, des carrières de moins en moins linéaires, des mutations du travail. L’auteur propose donc la création d’un contrat de travail intermittent dans lequel l’actif pourrait alterner périodes travaillées et périodes libres.
Pour favoriser la flexibilité, l’auteur se penche également sur les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage qu’il définit, en se référant à la littérature sur le sujet, comme « trop assurantielle, dispendieuse et insuffisamment incitative ». Là encore, l’auteur nous propose 4 options :
- Mettre en place un système d’impôt négatif pour lutter contre les trappes à inactivité : il s’agit de consentir à des baisses d’impôt pour les individus qui auraient accepté un travail peu rémunéré ;
- Plafonner les revenus de remplacement afin qu’ils ne dépassent pas ceux du travail ;
- Responsabiliser le conseiller Pôle Emploi afin qu’il puisse prendre des sanctions à l’encontre du demandeur d’emploi si sa recherche d’emploi n’est pas effective ou si ses refus de postes ne sont pas pertinents ;
- Enfin, constatant la générosité du système assurantiel français en matière de chômage, l’une des solutions serait justement de jouer sur cette générosité en réduisant le taux de remplacement ou la durée maximale d’indemnisation.
Par ailleurs, prenant en compte le coût élevé du travail en France (36,92 euros contre 30,51 euros en moyenne dans la zone euro) l’auteur propose de mettre en place une politique d’allègement de charges au niveau des bas salaires.
Sécuriser les parcours professionnels, comment ?
Conscient que l’environnement économique présente de nouveaux risques qu’il convient de saisir au mieux, Faÿçal Hafied propose cinq améliorations (ou modulations) possibles de dispositifs existants :
- Les emplois aidés doivent, selon l’auteur, être plus orientés vers le secteur marchand car ils sont plus efficaces et moins coûteux que les emplois aidée dans le secteur non marchand. Ainsi, l’auteur de la note propose de transférer les dotations sensibles du secteur non marchand au secteur marchand ;
- La formation professionnelle, trop centralisée, peu contrôlée, souffrant d’une image négative, mériterait que sa gouvernance soit améliorée et que le CPF apparaisse à tous comme le « nouveau socle de la formation professionnelle » ;
- Éclaircir l’orientation professionnelle pour que tous soient égaux devant elle. L’objectif est de rendre l’information claire et accessible à tous. D’après l’auteur, la transparence pourrait être obtenue en publiant un certain nombre d’informations sur les différentes filières sur la plateforme Admission Post Bac au moment de la formulation des vœux des étudiants ;
- Compte tenu du poids du chômage sur la collectivité, Faÿçal Hafied suggère un système de bonus-malus, c’est-à-dire de « mettre en place dans chaque entreprise un compte enregistrant le solde des cotisations et allocations-chômage versées aux employés issus de l’entreprise » ;
- Le CPA doit également être approfondi (protection sociale individualisée, universalité et portabilité des droits) pour éviter une plus grande disqualification des compétences, une polarisation du marché du travail mais également pour répondre aux besoins qui émergent des nouvelles formes d’emploi
Cette note donne deux axes de réformes riches et transverses pour « réactiver et développer les arguments soumis à la discussion dans le cadre de la réforme du marché du travail ».
> Pour lire la note dans son intégralité sur le site de Fondapol
> À lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement :
L’INSEE publie son panorama annuel du marché de travail