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Plateformes : les recommandations de la Commission européenne

Le terme “ubérisation” fait son apparition en 2014. Huit ans plus tard, les débats sur le statut des travailleurs de plateformes continue de faire réfléchir et débattre. Quel dialogue social ? Quels statuts ? Comment conserver l’autonomie tout en sécurisant les parcours ? Face à ces questions, la Commission Européenne a formulé une série de propositions le 9 décembre 2021. Retour sur la situation des travailleurs de plateforme en Europe et les propositions de la Commission européenne.

Une innovation, plusieurs débats

En France, les travailleurs de plateformes sont considérés juridiquement comme des travailleurs indépendants, souvent auto-entrepreneurs. Les plateformes permettent d’accéder à des services fournis par des tiers sur lesquels elles exercent un pouvoir de contrôle plus ou moins étendu. La mission d’information sur : « L’uberisation de la société : quel impact des plateformes numériques sur les métiers et l’emploi ? » du Sénat rappelle qu’:

« Elles ont émergé au cours des années 2000 sous l’effet combiné du statut d’auto-entrepreneur, créé par la loi du 4 août 2008, de la démocratisation d’Internet et des smartphones, de l’émergence de besoins spécifiques aux urbains et de la recherche croissante de nouvelles sources de revenus. »

Outre les questionnements relatifs au management algorithmique, et au dialogue social, une question reste en suspend et au coeur des préoccupations générales : s’agit-il d’un travail réellement indépendant ou d’un salariat potentiel. Lors de plusieurs procès, le droit du travail, spécifique aux salariés, a été invoqué et parfois appliqué. Le débat reste donc ouvert et n’est pas sans impact sur leur protection sociale complémentaire.

Un statut qui se précise partout en Europe

En Espagne, la plateforme Just Eat a conclu un accord avec les syndicats pour reconnaître les droits sociaux de ses salariés. Régulant les conditions de travail et de salaire ainsi que le droit à des congés payés, cet accord qui semble satisfaire autant les syndicats espagnols que la plateforme prouve, selon  Chema Martinez, la secrétaire générale de la fédération des services du syndicat Commissions ouvrières espagnol, que :

« la recherche de rentabilité est compatible avec le respect des droits sociaux des travailleurs

Au Royaume-Uni, l’arrêt “Uber” du 19 Février 2021 prononcé par la Cour Suprême britannique a défini plus précisément le statut du travailleur de plateforme. Sans véritablement trancher entre salarié et indépendant, les travailleurs de plateforme sont considérés comme des “Workers”, un statut d’entre-deux. En tant que tel, le “worker” bénéficie du salaire minimum, de congés payés et de certaines protections sociales. Le Royaume-Uni a donc choisi de créer un troisième statut spécifique à ces travailleurs. 

Rappelons à cet effet que les formes hybrides d’emploi se développent partout en Europe : le portage salarial français fait incontestablement partie des innovations les plus abouties, mais il existe aussi le « payrolling » aux Pays Bas et en Belgique, les umbrella companies au Royaume Uni,  egenanställning en Suède, coopératives en Espagne…

Les tiers de confiance constituent une voie qui permet de résoudre concomitamment trois enjeux : le développement de l’accompagnement et de la formation des indépendants, la couverture du risque de requalification pour les entreprises et la représentation des indépendants. Le tiers de confiance apporterait au travailleur indépendant les protections du salariat, tout en garantissant un accompagnement sur-mesure et son autonomie.

Les propositions de la Commission Européenne 

En réaction à ces problématiques internationales, la Commission Européenne a diffusé aux Etats membres une série de recommandations le 9 décembre 2021 sur 3 thématiques principales : 

  • Le statut professionnel : La plateforme peut être considérée comme un employeur si elle respecte deux critères ou plus permettant de définir un employeur. Les travailleurs peuvent dans ce cas jouir des droits sociaux et des droits du travail qui comprennent le droit à un salaire minimum, la négociation collective, la protection du temps du travail et de la santé, les congés payés et le chômage. Les plateformes seront autorisées à contester ou à réfuter cette qualification, mais il leur incombera de prouver qu’il n’existe pas de relation de travail. Les critères clairs que propose la Commission s’accompagneront, pour les plateformes, d’une plus grande sécurité juridique et de frais de contentieux moins importants, et ils faciliteront la planification des activités. 
  • La gestion algorithmique : la directive demande plus de transparence dans l’utilisation des algorithmes faite par les plateformes et le droit de contester des décisions automatisées.  
  • Application, transparence et traçabilité : la Commission souhaite que les plateformes mettent à disposition des autorités nationales les informations essentielles concernant leurs activités et celles des personnes qu’elles emploient.  

Ces recommandations ont pour ambition de mieux intégrer les plateformes et leurs travailleurs au marché du travail en Europe et pourraient servir de modèle à l’international.  

> Pour en savoir plus

> Egalement à lire sur le site de la Fondation Travailler autrement, Une circulaire précise la responsabilité sociale des plateformes