« Les Invisibles », plongée dans la France du back office, une étude inédite de la Fondation Travailler autrement
La Fondation Travailler autrement présente les résultats de son étude sur les travailleurs “Invisibles”, ou “travailleurs du back-office de la société de services” (réalisée par Occurrence auprès de 15000 répondants). Ils représentent plus de 13 millions de travailleurs. Ils sont livreurs, aides à domicile, agents d’entretien, transporteurs, aides-soignants, caristes, caissières, vigiles, serveurs ou encore aides agricoles. S’ils concourent tous au bon fonctionnement de la société auprès des citoyens comme des entreprises, ils sont surtout liés par le caractère contraint de chaque aspect de leur vie (professionnelle, personnelle, financière) et leur manque de perspectives sur leur avenir.
Des “Invisibles” majoritaires
L’enjeu de cette étude inédite était de comprendre quelle est cette frange de la population à laquelle nous avons demandé, collectivement, de continuer à travailler comme si de rien n’était pendant la pandémie.
L’étude permet d’identifier 3 types d’actifs Français : les Préservés, les Combattants et les Invisibles.
Les Préservés composent 26% de notre échantillon représentatif. Ils ont les revenus les plus élevés et n’ont pas ou peu été affectés par la crise sanitaire. Les Combattants quant à eux constituent 30% de la population active. Ils ont su transformer la pandémie en opportunité pour adapter leur manière de travailler voire générer des revenus supplémentaires.
Enfin, les Invisibles représentent 44% de la population active, soit plus de 13 millions de travailleurs. Il s’agit donc de la catégorie majoritaire des travailleurs. Ils sont aides-soignants, livreurs, aides à domicile, agents d’entretien, transporteurs, caristes, caissières, vigiles, serveurs ou encore aides-agricoles, et tous concourent au bon fonctionnement de la société et des entreprises. Les femmes sont surreprésentées puisqu’elles constituent 54% des Invisibles.
“[Les Invisibles] représenteraient plus de 40% de la population active française. Autant dire que dans l’ombre de chaque Français qui parvient à exister socialement et économiquement se tient un « Invisible », qui rend cette existence possible, plus fluide, plus profitable – voire plus digitale.”
Patrick LEVY-WAITZ, président de la Fondation Travailler autrement.
Cette étude de la Fondation Travailler Autrement démontre que les invisibles ont des vies personnelles et professionnelles contraintes :
- Leur vie familiale est souvent source de difficultés notamment pour les familles monoparentales et les femmes isolées
- Le logement est un besoin primaire difficile à satisfaire
- Les transports et la mobilité géographique imposent un rythme de vie tendu
- Les contraintes et la pénibilité de leur travail les usent quotidiennement
- Le pouvoir d’achat faible n’apporte aucune respiration dans la vie de tous les jours
Plusieurs types d’Invisibles
Dans le détail, nous identifions 4 segments parmi les “Invisibles” : les Nouveaux ouvriers, les Femmes isolées et fragilisées, les Seniors oubliés et les Femmes soutiens et soutenues par leur famille.
Chauffeurs livreurs, caristes, serveurs, caissiers… Les nouveaux ouvriers ont tous connu une période de chômage partiel pendant la pandémie. Ils sont les plus touchés par les horaires atypiques et la pénibilité au travail. Leur activité est peu valorisante pour eux et ils ont peu de perspectives professionnelles.
Les Femmes isolées et fragilisées sont sur-représentées dans les secteurs du retail, de l’agriculture, des services aux ménages et des arts et spectacles. En majorité célibataires ou divorcées, leur situation financière est précaire et elles ont des difficultés à satisfaire leurs besoins primaires. Aucune d’entre elles n’a perçu d’allocation chômage dans les 24 derniers mois car elles connaissent moins bien les aides disponibles et ont davantage tendance à y renoncer.
Les Seniors oubliés, âgés de 52 ans en moyenne, sont nombreux à être inactifs mais ils sont constitués d’anciens employés du secteur tertiaire, dans le transport, la logistique, l’agriculture ou le commerce. Ils sont caractérisés par une forte pénibilité au travail qui a précédé leur inactivité. La quasi-totalité d’entre eux n’a pas perçu d’aides au cours des 24 derniers mois du fait d’une mauvaise connaissance de celles-ci et d’une certaine résignation.
Les Femmes soutiens et soutenues par leur famille, souvent jeunes, sont infirmières, aides à domicile, agricultrice, vendeuse ou encore agent immobilier. Elles se sentent utiles dans leur travail mais une partie importante considère qu’elle n’a aucune perspective professionnelle possible. Aucune n’a perçu d’allocations chômage au cours des 24 derniers mois du fait d’une mauvaise connaissance de ces aides et d’une renonciation plus importante à leur recours.
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Un point commun : une vie contrainte
Tout d’abord, la moitié des Invisibles vit avec moins de 1 500€ brut par mois ce qui implique que 44% des Invisibles estiment ne pas parvenir à combler leurs besoins primaires et que 13% sont surendettés. Dans le même temps, 37% des foyers “Invisibles” déclarent ne pas percevoir d’aides de l’Etat (RSA, allocations familiales, APL…).
Plus de 7 “Invisibles” sur 10 travaillent dans le secteur privé et majoritairement dans des PME et micro-entreprises. En effet, il semble y avoir une corrélation directe entre la taille de l’entreprise et l’invisibilité sociale puisque les travailleurs “Invisibles” sont sous-représentés dans les Grandes Entreprises et ETI et surreprésentés dans les entreprises de taille inférieure. Dans la fonction publique, la majorité des “Invisibles”, c’est-à-dire 43%, travaille dans la fonction publique territoriale.
A cela s’ajoute une certaine précarité de leur emploi puisque 1 “Invisible” sur 5 a un contrat précaire et 23% un contrat à temps partiel. Leurs managers ont un rôle “disciplinaire” : contrôle de l’emploi du temps, du respect des cadences. Par conséquent, leur rapport au travail est particulier. 40% de ces travailleurs ne voient pas ou peu de sens à leur activité, contre 26% pour les autres actifs, et 61% estiment n’avoir aucune perspective de progression professionnelle.
Au-delà de l’aspect quantitatif, cette étude vient légitimer le débat sur ces travailleurs qui doivent être écoutés à l’occasion de l’élection présidentielle. Les invisibles font face à une vie sans perspectives et nous devons répondre collectivement à leurs attentes dans les territoires au plus proche de leur quotidien. Il est capital de pouvoir leur redonner de l’espoir et une meilleure reconnaissance sociale, d’améliorer leur pouvoir d’achat, d’alléger leurs contraintes, de recréer de la proximité et du lien social, mais également de garantir un accès simple et lisible aux droits auxquels les Invisibles devraient avoir accès.