Aides à domicile et aides-soignants : quel avenir ?
Le 17 mars 2022, le Think Tank Cercle Vulnérabilité et Société a organisé un débat avec pour sujet : “Métiers de l’accompagnement et de l’autonomie : qui s’occupera demain des personnes âgées et/ou handicapées ?”. Inscrit dans le cycle #DessineMoi2050, l’objectif de ce débat était d’identifier les problématiques à venir dans les prochaines années voire décennies et les réponses qui pourront y être apportées.
Des problématiques multiples pour les aides-soignants
D’ici 2030, du fait du vieillissement de la population et des départs à la retraite, près de 600 000 aides à domicile et aides-soignants seront nécessaires pour pallier les besoins des 2,5 millions de seniors dépendants en 2030 selon l’ancienne ministre du Travail Myriam El Khomri. Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des Établissement Hospitaliers et d’Assistance privée (FEHAP), constate quant à lui un certain désenchantement du métier d’aidant. Pour lui, les contraintes font perdre le sens de leur activité chez certains de ces travailleurs.
Sandra Bertezene, professeur au CNAM, considère que ce désenchantement a plusieurs facteurs, en commençant par l’image sociale associée au métier d’aidant depuis les années 90 : un emploi féminin, sans véritable compétence technique et sans avenir professionnel. De plus, ces problématiques s’insèrent dans un écosystème où les travailleurs demandent de plus en plus un équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle, ce qui est parfois difficile à concilier pour les aides à domicile et les aides-soignants.
Pour le délégué national à la filière personnes âgées et domicile de la Croix-Rouge française, Johan Girard, ces professionnels sont privés de leur autonomie par les nombreuses règles qui encadrent leur action. Selon Myriam El Khomri, aujourd’hui directrice du conseil chez SIACI Saint-Honoré, le sens premier de l’aide est passé après la nécessité de productivité, il est “plus facile de laver directement quelqu’un que de l’aider à le faire”. Cette accumulation de problématiques explique la baisse du niveau de connaissances des aidants, mais aussi la baisse de leur engagement qui peut induire une moins bonne qualité des soins prodigués. Toutefois, plusieurs solutions concrètes sont envisageables pour les années à venir.
Mais plusieurs pistes de solutions encourageantes
Dans son rapport remis en 2019, Myriam El Khomri relève quatre axes d’amélioration :
- L’amélioration des conditions d’emploi et de rémunération
- Une meilleure prise en compte de la qualité de vie au travail pour favoriser la fidélisation des professionnels
- La modernisation de la formation et le développement de l’apprentissage
- Développer davantage la validation des acquis de l’expérience (VAE) pour reconnaître les compétences.
Si la rémunération apparaît comme un levier d’action, elle n’est pas suffisante selon Aline Crépin, directrice innovation sociale et affaires au Groupe Randstad France. Les perspectives de carrières, les formations spécialisées ou encore les possibilités de mobilité des travailleurs sont autant de critères à prendre en considération. À ces besoins, Johan Girard de la Croix-Rouge française ajoute celui d’autonomie des professionnels du soins, souvent dirigés par un protocole strict qui oublie la dimension relationnelle, pourtant fondamentale.
Invitée pour témoigner, Florence Braud, elle-même aide-soignante, explique qu’il faut effectivement remettre la valeur relationnelle au centre des pratiques. Or, aujourd’hui, aucune évaluation du taux de bonheur des patients n’est effectuée. Il s’agit pourtant, selon l’aide-soignante, de la clé pour retrouver du sens au travail. Créer des passerelles interprofessionnelles serait également une manière d’attirer un plus large public permettant de combler les éventuelles pénuries de main d’œuvre.
Enfin, Myriam El Khomri précise que plusieurs difficultés rencontrées par les aides-soignants et aides à domicile le sont également par d’autres secteurs professionnels, dont les solutions peuvent s’avérer inspirantes. Il s’agit d’un métier d’avenir, porteur de sens, et qui doit par conséquent occuper une place de premier choix dans l’action publique d’aujourd’hui et de demain.
> Voir le replay de la conférence ici
> Pour aller plus loin, sur le site de la Fondation : Cols bleus, vers une plus grande reconnaissance de ces métiers et notre étude sur « Les Invisibles » – Plongée dans la France du Back Office.