Métiers du care : comment le sens au travail préserve la santé mentale
Les métiers du care répondent aux besoins élémentaires quotidiens des personnes qui ne sont pas autonomes. A la jonction du ménager, du sanitaire, du social et de l’éducatif, les travailleuses du care, puisque c’est un secteur très féminisé, prodiguent à la fois du lien et du soin. D’aides à domicile à assistantes maternelles, ces métiers sont parmi ceux qui recrutent le plus, et pourtant, les conditions de travail et l’exigence émotionnelle requises les rendent difficiles à exercer. Malgré tout, il s’agit aujourd’hui d’un des rares secteurs peu impactés par la crise du sens au travail. Alors, comment le sens au travail permet-il de préserver la santé mentale des travailleuses du care ?
Les métiers du care : des métiers contraints pouvant altérer la santé des travailleuses
- Contraintes de temps :
Tout d’abord, les métiers du care placent les travailleuses dans une position de contrainte de temps. Souvent soumises à des horaires atypiques, leur rythme rend difficile l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Par exemple, 50% des aides à domicile disent que leurs proches ne les trouvent pas assez disponibles à cause de leur travail. En effet, elles sont moins nombreuses que les autres salariées à choisir leur temps de travail, plus de la moitié d’entre elles ont des horaires qui varient d’un jour à l’autre et elles travaillent plus souvent le samedi ou le dimanche et les jours fériés que les autres salariées. Par ailleurs, les emplois du temps des travailleuses du care peuvent s’avérer imprévisibles lorsqu’il y a irruption ou suppression d’une mission. Cela implique une grande flexibilité de leur part, et les empêche de prévoir avec certitude leurs temps consacrés à la vie personnelle. Pourtant les métiers du care ne peuvent pas s’affranchir de ces contraintes de continuité et d’imprévisibilité qui sont inhérentes à leurs missions. A ces contraintes de temps s’ajoute la problématique liée aux trajets. Les métiers du care nécessitent souvent de passer du temps dans les transports, or la question de sa comptabilisation dans le temps de travail reste entière, ce qui entraine des questionnements au niveau de la rémunération.
- Contraintes financières :
Les métiers du care présentent globalement des contraintes financières : le niveau de rémunération est faible, ce qui est paradoxal compte tenu du caractère essentiel de ces métiers. Or, leur salaire est basé sur le niveau de productivité accordé à l’activité. Si certains revenus ont pu être augmentés avec le dernier accord du Ségur de la santé, ce n’est pas le cas des métiers du care qui ont du mal à faire reconnaître leur technicité. Par ailleurs, l’aspect relationnel est difficilement quantifiable et évaluable en termes de productivité. 76% des aides à domicile estiment que leur salaire n’est pas satisfaisant au vu de leur travail.
- Manque de perspectives de carrière :
Les emplois du care sont marqués par une quasi-absence de processus promotionnels ou d’évolution professionnelle faute d’organisations qualifiantes, mais aussi d’un système de certification professionnelle mal adapté à ces métiers. Par ailleurs, c’est un secteur peu syndiqué et atomisé, ce qui ne facilite pas le dialogue social. Enfin, toutes les études démontrent que les salariées s’auto-limitent dans leur promotion professionnelle.
- Exigence émotionnelle :
Au-delà de ces contraintes dans les conditions de travail, les métiers du care exposent les travailleuses à une forte charge émotionnelle, intrinsèquement liée à l’activité. Par exemple, les aides à domicile sont plus nombreuses que les autres salariées à être en contact avec des personnes en situation de détresse sociale et psychologique, doivent plus cacher leurs émotions bien qu’elles soient plus confrontées à des imprévus dans le cadre de leur profession. Par ailleurs, elles déclarent plus souvent que les autres salariées avoir dû faire des choses qui heurtent leur conscience professionnelle au cours des 12 derniers mois.
Si les conditions de travail dans les métiers du care pourraient laisser imaginer une remise en question totale dans la vocation des femmes qui les exercent, il n’en est rien. A l’inverse, même, c’est un des secteurs dans lequel le phénomène de crise du sens au travail est le moins marqué.
Les métiers du care : le sens au travail comme gage de bonne santé mentale
- Métier-passion :
Ce sens au travail s’explique avant toute chose par le fait que les métiers du care sont des vocations, des métiers-passions, exercés par des travailleuses qui croient en leur métier et qui en sont fières. Ainsi, la question de la quête de sens au travail est vite résolue, ce qui est un réel facteur d’épanouissement professionnel.
- Compétences :
Les travailleuses du lien exercent des métiers qui requièrent un niveau de technicité et de responsabilité : elles s’occupent des bébés et d’enfants handicapés, elles lavent et donnent à manger aux personnes âgées ou encore viennent tous les soirs coucher les personnes seules en situation de dépendance. Or, pour pouvoir s’immiscer dans la vie privée des personnes dont elles s’occupent, ces femmes témoignent de grandes compétences d’humanité, en usant de leur intelligence émotionnelle et sociale. Si les conditions d’exercice de ces métiers ternissent leur image et leur attractivité, ce sont des métiers de gestes et de relations. Il y a un gouffre entre les qualités et la forte responsabilité qu’on attribue à ces femmes, et le sentiment d’invisibilité qu’elles ressentent à travers leur travail, bien qu’elles en soient fières.
- Sentiment d’utilité sociale :
Alors que 40% des “travailleurs invisibles” ne trouvent pas ou peu de sens au travail, les travailleuses du care sont une exception. En effet, elles trouvent globalement beaucoup de sens à leur travail car leur sentiment d’utilité sociale est très fort. Par ailleurs, les travailleuses du care reçoivent plus souvent que les autres salariées le respect et l’estime qu’elles méritent pour leur travail de la part de leurs supérieurs.
Si les travailleuses du lien trouvent généralement du sens dans leur travail, notamment par un fort sentiment d’utilité sociale, ce sens est entaché par certaines organisations du travail. Par exemple, les procédures d’optimisation du temps passé entraînent une intensification du travail et l’impression de mal travailler, voire de maltraiter les personnes qu’elles accompagnent. Sous le couvert d’une pseudo-rationalisation, il arrive que le travail soit réduit à des gestes purement techniques, ce qui ne convient évidemment pas à ces métiers relationnels. Il est urgent de prendre ces éléments en compte, d’autant plus quand il a été montré que la perte de sens au travail peut impacter négativement la santé des travailleurs.
> Aller plus loin sur le site de la Fondation Travailler autrement : Le travail, c’est la santé ? , L’usage des technologies au travail : quel impact sur la santé des collaborateurs ? , 3 questions à … Jean-François Naton, membre du CESE