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L’IA va-t-elle vraiment nous piquer nos emplois ?

Alors que l’intelligence artificielle s’immisce doucement mais sûrement dans nos quotidiens et notamment dans le monde professionnel, nombreux sont les travailleurs inquiets de son impact sur leur emploi. Comme à chaque évolution technologique, ils appréhendent leur substituabilité partielle ou totale face à cette innovation. Mais l’IA menace-t-elle vraiment nos emplois ?

L’intelligence artificielle en entreprise : destruction ou création d’emplois ? 

A la manière de toutes les révolutions technologiques qui ont profondément bousculé les manières de travailler, l’intelligence artificielle fait depuis quelques mois l’objet de réticences chez les travailleurs. En effet, grâce aux progrès de l’IA, robots et ordinateurs sont désormais capables d’accomplir des tâches que l’on pensait réservées aux humains. Selon l’enquête Toluna Harris Interactive pour AEF Info, 51% des Français considèrent le développement de l’IA comme un danger contre 37% qui la voient comme une opportunité pour le monde du travail : et si la réalité se situait entre les deux ? 

Nombre de métiers ont déjà commencé à s’adapter à l’implémentation de l’intelligence artificielle au travail. La substitution par l’IA de certaines tâches exercées par des humains permet de soulager le travailleur des activités parfois ingrates et souvent répétitives. Par exemple, dans le milieu bancaire, les chatbots, ces robots qui dialoguent, répondent aux questions basiques des clients, mais dès lors que la demande devient plus spécifique, ils laissent la main à l’expertise du conseiller bancaire. L’IA devient alors un appui, lui permettant notamment de pouvoir se focaliser sur l’accompagnement personnalisé de son client, une activité plus productive pour l’entreprise. 

Toutefois, d’autres métiers sont voués à disparaître. Alors que la banque Goldman Sachs a récemment évalué à 300 millions le nombre d’emplois susceptibles d’être supprimés par l’arrivée de l’IA à travers le monde, Stijn Broecke estime que beaucoup des études menées sur le sujet sont “alarmistes” alors que “jusqu’à présent, on n’a pas beaucoup vu l’effet de l’IA sur l’emploi. En effet, seules les grandes entreprises l’ont pour l’instant adoptée. Il reste cependant intéressant de se pencher sur l’inévitable disparition de certains métiers, et donc la destruction de certains emplois. L’Institut Sapiens a dressé la liste des emplois les plus menacés par l’IA et la robotisation en France : manutentionnaires, secrétaires bureaucratiques et de direction, employés de comptabilité, de la banque et de l’assurance, caissiers, etc. 

Mais une fois ce constat dressé, il est aisé de constater qu’il est plus facile de craindre la disparition des métiers que l’on connaît que de prévoir les métiers qui vont émerger. En effet, le déploiement de l’IA à grande échelle génère déjà de nouveaux métiers porteurs autour de la data, mais va aussi nécessiter une intensification des métiers de la conception et du contrôle des outils d’intelligence artificielle. Alors que le rapport Future of Jobs du World Economic Forum évaluait, lui, à 85 millions le nombre d’emplois remplacés par l’intelligence artificielle à l’horizon 2025 contre 97 millions d’emplois créés, une étude réalisée par Dell et l’Institut du Futur estimait que 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui : de quoi contredire les scenarii pessimistes sur le sujet. 

En réponse à cette crainte sur la disparition de tous ces emplois et du questionnement face au nombre de métiers à arriver, Jacques Le Goff, professeur émérite et membre de l’ASPDH, apporte trois arguments rassurants :  

  • Le travail humain résiste bien du fait de sa finesse, et nombreuses sont les activités pour lesquelles le jugement humain est plus fiable que celui de l’IA : nous ne sommes donc pas confrontés à la fin de la civilisation du travail car l’IA ne pourra pas remplacer l’humain. 
  • Le travail est un vecteur de relations sociales, ce que nulle machine ne parvient à incarner : ceci explique par exemple le fait que malgré le développement des caisses automatiques, le métier de caissier subsiste. La dimension relationnelle est nécessaire pour encore beaucoup de personnes. 
  • Tout un horizon de nouveaux emplois se profile dans le champ du numérique tandis que se confirment les besoins criants dans le social, à l’heure où la silver économie est en plein boom. 

Il ajoute également, de façon pragmatique, que ce qui fait défaut aujourd’hui sur le marché de l’emploi, ce n’est pas le manque de postes mais bien le manque de main d’œuvre disponible dans certains secteurs ! 

Dès lors, l’IA détruira nécessairement certains emplois, comme toutes les technologies (l’électricité, l’information, le transport aérien, la monétique, etc.), mais d’autres vont émerger. Ils seront soit directement en lien avec les besoins inhérents à la conception, l’utilisation et le contrôle de cette nouvelle technologie, soit en lien avec les nouveaux besoins de notre temps comme les métiers du développement durable et du service aux personnes. 

 

La formation : la clé de l’adaptation du travail à l’IA 

Alors que le gouvernement français s’est récemment doté d’un comité interministériel de l’intelligence artificielle générative, il est primordial de prendre en considération l’impact de cette innovation sur le monde du travail. La formation des travailleurs et travailleuses en devenir à cet outil est un enjeu considérable. 

L’intelligence artificielle est perçue comme un gain de performance et de productivité pour les entreprises : elle permet d’automatiser les processus ou les tâches auparavant exercées par des humains, et d’exploiter des données à un niveau qu’aucun humain ne pourrait atteindre. Mais l’IA peut aussi l’être pour les travailleurs lorsqu’elle leur permet de se consacrer à des tâches plus intéressantes et les soulageant de tâches fastidieuses. Si l’IA tend à devenir une sorte de collègue qui peut épauler les travailleurs dans certaines de leurs tâches, il faut néanmoins les former à son utilisation optimale. Des économistes d’OpenIA estiment que 80% des actifs pourraient voir plus de 10% de leurs tâches automatisées par ChatGPT : c’est donc un enjeu qui concerne tous les travailleurs. 

En parallèle de cette formation à l’IA, la crainte légitime des travailleurs de voir leurs compétences devenir rapidement obsolètes face aux évolutions de cet outil devra trouver une réponse dans l’offre de formation dans des compétences non substituables mais complémentaires à celles de l’IA. 

Toutefois, quand bien même des gains de productivité évidents -estimés à 30%- sont à portée de main pour les entreprises, la force de l’habitude ralentit considérablement la vitesse de diffusion de cette nouvelle technologie selon Gilles Babinet, co-président du Conseil national du numérique. 

 

Enfin, et pour rassurer tous ceux qui craignent que la machine prenne la main sur l’humanité, seul l’Homme sera en capacité de trouver l’équilibre entre l’utilisation de l’IA et le travail humain. Il conviendra de vérifier que les dégâts potentiels ne dépassent pas les apports réels, puis d’investir, de former et de réinventer. Tout cela contribuera à préserver la place de l’humain dans le travail et dans la société, surtout à l’heure où le sujet du lien social constitue un socle central et essentiel. 

 

> Aller plus loin sur le site de la Fondation Travailler autrement : De la machine à vapeur à l’intelligence artificielle : quelle place pour l’humain dans les révolutions industrielles ?