Absentéisme au travail : de quoi parle-t-on réellement ?
Ce sera l’un des sujets majeurs de la rentrée : l’absentéisme au travail. Alors que la tendance est à la hausse ces dernières années, notamment avec le vieillissement démographique, il s’agit ici de savoir ce dont on parle, et de revenir sur sa définition et ses enjeux : qu’est-ce que l’absentéisme ? Toutes les absences sont-elles considérées comme de l’absentéisme ? Et quels sont réellement ses impacts sur l’entreprise ?
Qu’est-ce que l’absentéisme ?
Toutes les situations où un salarié est absent ne relèvent pas de l’absentéisme. On peut exclure par exemple les vacances, congés maternité / paternité, activité syndicale, temps de formation, qui sont prévisibles. L’ANACT définit ainsi l’absentéisme comme “toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradation des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances physiques mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé, etc”.
Il y a quatre motifs principaux d’absentéisme en France :
- L’absentéisme pour maladie “ordinaire” : sans lien direct avec l’activité professionnelle, souvent justifié par un médecin et durant moins de dix jours
- Pour maladie professionnelle : conditions de travail difficiles, troubles musculo-squelettiques, troubles psychiques (comme le burn-out), contact avec des substances dangereuses et exposition à des risques de maladies graves
- Pour accidents de travail et de trajet (notamment dans les métiers du bâtiment et du transport)
- L’absentéisme lié à des absences injustifiées, qui peuvent être dûes à des raisons personnelles du salarié (garde d’enfants, aide à un proche, problèmes de transport, difficultés de conciliation vie professionnelle / vie personnelle, etc) ou à un souhait individuel de ne pas travailler (souvent au préalable d’une séparation professionnelle)
Dans cette dernière catégorie se retrouvent les absentéismes de “convenance”, dénoncés par les entreprises et liés plutôt indirectement à l’activité professionnelle (mauvaise entente avec les collègues ou le management, grande fatigue, climat social médiocre, surcharge de travail, ressources insuffisantes pour accomplir sa tâche, manque de soutien et de reconnaissance, perte de sens etc). L’absentéisme de convenance, minoritaire comme motif de non présence – il touche 2% des salariés seulement, reste un élément à prendre en compte car il peut être révélateur d’un manque d’engagement du salarié, et parfois d’une dégradation des conditions de travail dans l’organisation. Par ailleurs, son impact est réel sur l’organisation, tant au niveau de la direction qu’à celui de l’équipe.
L’absentéisme en chiffres
Après une année record en 2022, liée notamment à la persistance des cas de Covid-19, l’année 2023 a enregistré une baisse conjoncturelle, avec tout de même 27,46% des salariés ayant eu au moins un arrêt de travail (35,13% en 2022 et 27,78% en 2021), selon Apicil. En moyenne, 22,3 jours d’absence ont été pris par salarié l’année dernière, d’après le Baromètre Ayming/AG2R La Mondiale.
Les pathologies psychologiques augmentent drastiquement ces dernières années : elles sont devenues “la première cause d’arrêt de travail sur les arrêts supérieurs à 30 jours” selon le baromètre réalisé en 2023 par Apicil. Les troubles musculo-squelettiques viennent juste derrière.
En analysant ces données chiffrées, nous devons prendre en compte la situation personnelle de chacun, de son âge, de son genre, ou du type de poste occupé. Il est plus fréquent notamment chez les parents et les proches aidants, les femmes et les moins de 35 ans. Ainsi, “Il n’y a pas un absentéisme mais des absentéismes qui n’ont pas le même impact sur l’organisation ou la performance de l’entreprise” – Marie-Anne Cousin Renié, directrice du programme Prévenir et gérer l’absentéisme chez Malakoff-Humanis. Par exemple, en 2022, les secteurs les plus touchés étaient la santé (9,7%), le commerce (6,25%) et le transport (5,57%), selon l’édition 2023 du baromètre Diot-Siaci / Ifop. De même, un salarié posté sera plus absent qu’un salarié qui peut télétravailler.
Quels impacts sur l’entreprise ?
L’absentéisme peut peser lourd sur une entreprise, en particulier si les équipes sont réduites et que le travail, non effectué par le salarié absent, impacte les autres collègues (entraînant plus de fatigue, de stress, voire même de ressentiment). Cela peut donc avoir des conséquences directes sur le retard ou sur la productivité de l’entreprise, et donc sur son chiffre d’affaires. En 2018, l’Institut Sapiens chiffrait à 108 milliards d’euros le “coût caché de l’absentéisme au travail”. Trois jours d’absence imprévus peuvent impacter davantage l’organisation qu’une période d’absence longue qui aurait été anticipée. Et les managers, “garants de la performance de l’équipe”, subissent en première ligne ces absences, selon Sabeiha Bouchakour, directrice Qualité de vie au travail et Prévention chez Diot-Siaci. C’est un cercle vicieux : l’augmentation de l’absentéisme pour conditions de travail difficiles contribue à cette dégradation pour les salariés présents.
Par ailleurs, les impacts sont différents selon la taille de l’entreprise : le baromètre Malakoff Humanis de l’absentéisme sur l’année 2023 paru en 2024 précise que l’absentéisme est en hausse dans les TPE, à cause d’un plus faible recours au télétravail, mais aussi en raison de l’absence de mesures de préventions et de collègues pour reprendre le travail.
Il faut en retenir que l’absentéisme est un réel sujet de société, qui ne se réduit pas à une somme de situations individuelles. Et il convient de trouver ensemble les mesures qui peuvent permettre de le réduire, avec des solutions adaptées aux spécificités de chaque entreprise. En s’adaptant sur les managers et le dialogue social.
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