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Regards croisés sur l’absentéisme : deux baromètres, un même constat ?

Les baromètres sur l’absentéisme se multiplient chaque année, offrant un éclairage précieux sur l’évolution de ce phénomène dans le monde du travail. Dans ce “on a lu pour vous”, nous comparons le baromètre de Malakoff Humanis avec celle d’Ayming / AG2R, tous deux publiés en 2024. Bien que ces deux rapports révèlent des constats similaires sur l’état de l’absentéisme au travail en France en 2023, leurs méthodologies et points de focus diffèrent, mettant en lumière des nuances intéressantes à observer.

Un constat partagé : des chiffres d’absentéisme qui convergent

Les deux baromètres s’accordent sur une diminution de l’absentéisme par rapport aux années précédentes, principalement due à la réduction des arrêts liés au Covid. Les chiffres restent cependant élevés, certains secteurs ou groupes de salariés étant particulièrement concernés.

42% des salariés ont été absents au moins une fois en 2023 selon Malakoff, contre 37% pour Ayming, qui précise une moyenne de 22,3 jours d’absence par salarié. Certaines populations demeurent plus touchées : les travailleurs et travailleuses de la santé, les femmes, les jeunes (18-34 ans), les aidants et les managers.

Ayming constate aussi que, si la tendance est à la baisse, on constate néanmoins une hausse des absences pour accident du travail (+9% depuis 2019), et de l’absentéisme de longue durée (qui concernait 61% de l’absentéisme global en 2023). Les seniors sont particulièrement affectés : près d’1 senior sur 10 a été absent plus de 90 jours consécutifs en 2023. De son côté, Malakoff met l’accent sur les absences pour maladie ordinaire en hausse de 5%, ainsi que sur l’ancrage des troubles psychologiques et de l’épuisement professionnel qui comptent pour 15% des absences.

Ayming met également en évidence le phénomène des poly-absences (3 absences ou plus dans une année), qui concernent 15% des salariés. Pour ces cas spécifiques, le cabinet recommande d’aborder une approche plus individualiste pour identifier les causes profondes : maladies chroniques, situations d’aidance, décrochage professionnel, abus, etc. Le cabinet souligne aussi que 63% des salariés n’ont connu aucune absence en 2023, un présentéisme en croissance dans tous les secteurs.

Le cas particulier des petites structures, mis en avant par Malakoff Humanis

Dans la deuxième partie de son baromètre, Malakoff Humanis s’attarde sur le cas particulier des TPE / PME.

Alors que l’absentéisme diminue légèrement dans la tendance générale, il augmente dans les entreprises de moins de 10 salariés : 40% contre 38% l’année précédente, avec des arrêts plus longs que la moyenne (21 jours contre 17 jours). 

Le baromètre explique ce phénomène par plusieurs facteurs : 

  • Les TPE ont moins de ressources pour mettre en place des actions de prévention
  • Les salariés des TPE pratiquent moins le télétravail que les autres : seuls 10% des salariés ont déjà télétravaillé plutôt que de se mettre en arrêt, contre 24% dans les grandes entreprises
  • Les salariés sont plus exposés à certaines situations de fragilités : problèmes financiers, maladies chroniques, situations d’aidance
  • Un engagement moindre dans le travail : 46% des effectifs de TPE ont moins de 40 ans, alors que les jeunes sont moins nombreux à se déclarer très engagés dans leur travail.

37% des dirigeants de TPE / PME pensent que l’absentéisme va s’accroître. Il est donc urgent de soutenir ces structures dans la mise en place d’actions de prévention, alors qu’un arrêt de travail dans une TPE peut menacer la continuité de l’activité. Malakoff Humanis souligne que les petites entreprises devraient au contraire se saisir de leurs atouts : elles connaissent bien mieux les salariés et disposent souvent d’un meilleur dialogue d’établi, ce qui leur permet entre autres de pouvoir faire attention aux signes avant-coureurs (observation d’un dysfonctionnement, ambiance qui se détériore, comportement inhabituel), de connaître la situation spécifique du salarié, et leur donne ainsi une meilleure possibilité d’anticiper et d’adapter l’organisation du travail en fonction. Ce faisant, elles renforcent le sentiment de reconnaissance et la motivation.

La nécessité d’agir sur les managers selon Ayming et AG2R

La baromètre d’Ayming et d’AG2R, quant à lui, se concentre sur le rôle crucial des managers dans la prévention de l’absentéisme, tout en soulignant que l’absentéisme est élevé au sein même de cette catégorie. Ainsi, les managers soumis à un stress important sont deux fois plus nombreux à être absents que ceux qui déclarent être rarement ou jamais stressés. 63% des managers absents de plus de trois mois sont confrontés à des situations professionnelles difficiles (accident du travail, maladie professionnelle, épuisement, burn-out, démotivation).

La relation entre l’absentéisme des managers et celui de leur équipe est frappante : 66% d’entre eux considèrent que leurs difficultés se répercutent sur leurs équipes. En conséquence, 45% des managers désengagés estiment que leur équipe l’est également, contre 8% des managers qui se déclarent engagés. Le baromètre révèle pourtant un “déséquilibre entre perception et action” : parmi les managers ayant un taux élevé d’absentéisme dans leur équipe, ⅓ ne pense pas avoir un rôle actif à jouer. D’où l’importance de la sensibilisation et de l’accompagnement des managers ! 

Ayming préconise plusieurs pistes pour soutenir les managers : écoute, soutien, formation (à la gestion de situations complexes, au management de nouvelles générations, etc). “Une démarche de prévention de l’absentéisme doit s’inscrire dans une approche de prévention plus globale qui tient compte de la qualité de vie et des conditions de travail”. Enfin, des outils sont recommandés pour faire face à l’absentéisme de longue durée : maintien du lien, sécurisation du retour au travail, collaboration avec la médecine du travail, partage d’expérimentations, etc.

 

Ces baromètres montrent que l’absentéisme au travail est un enjeu systémique aujourd’hui. Si certains secteurs et populations (santé, TPE, managers, femmes, jeunes et seniors) sont plus touchés, il est essentiel de mettre en avant les bonnes pratiques et de travailler collectivement pour assurer la productivité des entreprises, tout en garantissant aux salariés de bonnes conditions de travail.

 

Méthodologie

  • Malakoff Humanis a interrogé 2 488 salariés et 400 dirigeants en avril 2024, et compare les résultats tout au long du baromètre avec ses résultats des années précédentes.
  • Ayming et AG2R ont combiné deux études : 
    • une enquête quantitative auprès de 55 465 entreprises du secteur privé employant 3,5 millions de salariés en CDI et s’appuyant sur les données issues de la Déclaration Sociale Nominative
    • une enquête qualitative interrogeant 1839 managers

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