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Santé mentale des salariés en 2025 : quels constats ? quels leviers ?

La santé mentale est la Grande Cause Nationale 2025. Cela fait écho à une réalité inquiétante : le mal-être touche de plus en plus de personnes et s’étend à toutes les sphères de notre vie, y compris le travail, dont la majeure partie de notre temps y est consacrée. Les salariés, qui sont à 25% à se déclarer en être en mauvaise santé mentale, sont au cœur de ce phénomène, et leur qualité de vie au travail constitue un indicateur précieux de l’état général de notre société. Face à cette situation, les employeurs jouent un rôle déterminant dans la mise en place de pratiques efficaces de prévention et d’amélioration du bien-être, notamment à travers la QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail). C’est ce que révèle le baromètre 2025 Santé Mentale des Salariés & QVCT réalisé par Qualisocial et IPSOS, que nous avons lu pour vous.

Des facteurs socio-économiques qui creusent les inégalités en termes de santé mentale

Les facteurs socio-économiques influencent fortement notre état de santé. Le baromètre fait apparaître que parmi les salariés, ceux qui possèdent la plus mauvaise santé mentale (stress, anxiété, tendance dépressive…) sont également ceux qui appartiennent à certaines catégories spécifiques. 

D’abord, les femmes se trouvent significativement plus touchées que les hommes, par tranches d’âges égales, avec un pic pour les jeunes femmes de moins de 30 ans. Ceci s’explique notamment par un facteur que fait apparaître le baromètre 2024 de la charge mentale des salariées réalisé par IFOP  où les femmes salariées ont le sentiment de toujours devoir “penser à tout, tout le temps, et pour tout le monde”. Entre le stress et la pression au travail d’un côté, et le foyer familial dont les femmes ont souvent la plus grosse charge de l’autre, elles ont jusqu’à un écart de 15 points avec les hommes dans la tranche 30-39 ans. Par ailleurs, le critère “composition du foyer” montre très clairement le facteur prédominant de la monoparentalité dans l’aggravation de la santé mentale. En effet, 82% des familles monoparentales sont composées de “mamans solos”, ce qui entraîne une pression supplémentaire sur les mères. En plus des conséquences économiques qu’entraînent une séparation (ou un décès) dans le foyer, il est plus difficile pour les parents seuls de progresser professionnellement, en raison de la presque impossibilité de prolonger leur temps au travail et/ou de participer à des activités “extra” type afterworks comme le montrait déjà Les Echos. A ce propos, les salariés à temps partiel (bien souvent des mères seules) sont aussi les victimes premières de ce mal-être face aux temps pleins avec un écart de 9 points entre les deux. A cela il convient d’ajouter d’autres facteurs d’aggravation de la santé mentale comme les malades chroniques ou encore l’impossibilité de télétravailler.

On observe notamment que parmi les facteurs qui dégradent le niveau de santé mentale, le premier en tête est la faible confiance en l’avenir, qui est devenu incertain, en raison de l’accumulation de phénomènes de crises et d’une impression que l’on ne s’en sort pas.  Cela rejoint le concept de “polycrise” introduit par le philosophe et sociologue français Edgar Morin qui désigne “une situation caractérisée par l’interaction simultanée de multiples crises interdépendantes et complexes” et qui accentue la généralisation d’un effet démoralisant et anxiogène sur la population, qui alerte sur la nécessité d’une meilleure prise en charge de la santé mentale.

 

L’employeur, acteur clé et privilégié pour agir face à une population en attente d’une meilleure prise en charge

La santé mentale en entreprise peut être améliorée par différents leviers de qualité et de conditions de vie au travail. Le baromètre cible 3 piliers de la QVCT à prioriser pour les organisations afin d’améliorer la santé mentale de leurs salariés : la sécurité au travail et les conditions de travail ; les relations au travail et l’ambiance de travail ; et enfin, l’organisation du travail et des tâches au quotidien, qui augmente de 80% les conséquences sur notre santé mentale. Et les résultats sont concluants : en moyenne, un salarié en bonne santé mentale affiche une capacité de concentration 2,4 fois supérieure, ainsi qu’un engagement accru de 39 % et une énergie 55 % plus importante que ceux en mauvaise santé mentale. Dans ce sens, 83 % des salariés ayant accès à un plan de prévention complet constatent une amélioration de leur santé mentale. 

Alors que 91% des salariés jugent la QVCT comme étant un enjeu qui doit être prioritaire ou à minima important pour les employeurs en 2025, les entreprises ont alors tout autant intérêt à agir à préserver une bonne santé mentale, car, au-delà de l’obligation légale, leurs propres intérêts économiques sont confortés grâce à des salariés plus performants. Une bonne QVCT est alors un levier efficace pour un meilleur environnement de travail. 

Pourtant, la question de la santé mentale des salariés demeure aujourd’hui encore un enjeu qui nécessite une meilleure démocratisation. En effet, il y a d’abord une forte inégalité dans les actions de prévention d’une organisation à l’autre : il apparaît sans surprise que les entreprises en repli ont le moins agi, tandis que les meilleurs élèves se trouvent être les entreprises en croissance. De plus, on observe  que les entreprises de moins de 10 salariés sont celles qui possèdent de très faibles niveaux d’équipement pour prévenir la santé mentale, alors même que l’impact de l’état de santé d’un seul salarié pourrait vite fragiliser l’entièreté de l’organisation… En ce qui concerne les secteurs, le baromètre souligne que l’enseignement et les services aux particuliers, notamment l’hébergement médico-social, connaissent la plus mauvaise santé mentale et mettent en place le moins d’actions de prévention.

 

La question de la santé mentale des salariés présente encore de nombreux défis à relever. L’intégration d’une stratégie de prévention claire et adaptée au sein de chaque organisation, en particulier dans les secteurs les plus touchés, permettrait non seulement de préserver la santé mentale des salariés mais aussi de favoriser un environnement de travail plus harmonieux et productif. Les résultats déjà obtenus, à la fois satisfaisants et encourageants, offrent des perspectives positives pour l’avenir, grâce à l’impulsion des pouvoirs publics et à la prise en compte croissante du bien-être des collaborateurs par les entreprises.

 

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