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Entreprendre au féminin : quels défis en 2025 ?

Agricultrices, couturières, commerçantes… L’entrepreneuriat des femmes est une réalité depuis des siècles, mais il a connu une véritable accélération avec l’essor de l’auto-entrepreneuriat dans les années 2000. Pourtant, de nombreux obstacles persistent : préjugés, manque de confiance et d’ambition, charge mentale importante, financements complexes… Quels sont les défis à relever pour les entrepreneuses en 2025 ?

Un essor fulgurant des entrepreneuses, pourtant cantonnées aux petites structures

Aujourd’hui, les femmes entreprennent de plus en plus. En 2023, selon Bpi France, 28% des Françaises étaient engagées dans une dynamique entrepreneuriale, ce qui correspond à 7,7 millions de femmes. Un chiffre en augmentation de 5 points par rapport à 2018. L’entrepreneuriat féminin a surtout décollé lors de la création du statut d’auto-entrepreneur en 2008. De fait, 41% des entrepreneuses sont en statut de société civile, mais seulement 23% en SAS. C’est dans ce contexte que s’est développé le phénomène des « mompreneurs », ces femmes en général diplômées et bien insérées socialement, qui choisissent de quitter le salariat au moment de la naissance de leurs enfants pour gagner en flexibilité.

Certaines tendances montrent tout de même des disparités. Ainsi, les femmes entreprennent davantage dans des secteurs historiquement féminins (service à la personne, social, habillement) tandis que les hommes dominent les secteurs de construction et de réparation. Par ailleurs, les femmes entreprennent le plus dans les régions les moins dynamiques économiquement. En 2023, d’après le baromètre Infogreffe, elles étaient 39% en Martinique (contre une moyenne de 33% au niveau national), 36% en Bretagne et en Normandie, et 33% en Île-de-France. Par ailleurs, Marie Eloy, fondatrice de Bouge ta Boîte, déplore que la France possède l’un des taux d’entrepreneures parmi les plus bas de l’OCDE, avec 3,4% de femmes actives entrepreneuses (contre 13% au Canada par exemple). Il y a également un enjeu de rémunération selon elle : en 2020, 67% des dirigeantes dont c’est l’activité principale gagnaient moins de 1500€ par mois.

Mais pourquoi les femmes ont-elles plus de difficultés à entreprendre et à faire croître leur entreprise ?

 

Des freins structurels encore pesants

Une étude menée par l’Adie en 2022 identifie cinq principaux obstacles à l’entrepreneuriat féminin : l’accès au financement (pour 51% d’entre elles), l’articulation des temps de vie (25%), le syndrome de l’imposteur et le manque de confiance en elles (25%), le manque de soutien de l’entourage (21%), et enfin le sexisme (21%). Des difficultés spécifiques aux femmes, qui expliquent l’écart avec leurs homologues masculins.

Le choix de l’auto-entrepreneuriat, bien que facilitateur ,reflète souvent une prudence excessive et des moyens financiers réduits au lancement de l’entreprise. Selon Aurélie Perruche, entrepreneuse et membre de la CCI de Paris, les femmes « sont un peu dans la gestion en bonne mère de famille, réaliste, mais qui peut manquer d’ambition ». Le travail depuis chez soi, perçu comme une solution pour plus de flexibilité, peut aussi être un piège, pouvant entraîner de fait une plus grande implication dans les tâces domestiques et la garde des enfants, ce qui alourdit la charge mentale des entrepreneuses. C’est le point de blocage principal pour la moitié des femmes entrepreneuses.

Un réel enjeu se fait également autour de l’accès au financement : alors que les femmes représentent aujourd’hui environ 30% des entrepreneurs en France, le pourcentage des fonds que les investisseurs allouent aux start-ups fondées par des femmes n’est que de 2%. Alors même que ces start-ups constitueraient des investissements 2,5 fois plus rentables que les autres. Ainsi, au cours des présentations devant les investisseurs, elles se verraient davantage interrogées sur leur gestion des risques que sur leur vision ou leur stratégie de croissance.

Le parcours peut donc se retrouver semé d’obstacles pour des femmes qui n’ont jamais appris à occuper l’espace. Heureusement, de nombreuses initiatives se développent pour donner aux femmes les mêmes chances que leurs homologues masculins !

 

Un soutien et une mise en avant de roles models pour encourager l’ambition

Malgré tous ces freins, pour certains structurels, il est moins difficile d’entreprendre aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Et pour cause, de nombreux dispositifs et initiatives permettent de soutenir les entrepreneurs et les entrepreneuses, comme les incubateurs et réseaux WillaLes PremièresBouge ta Boite, Action’elles, Empow’Her, Mampreneures,  Femmes des territoires, etc. Le collectif SISTA aide par exemple à réduire les inégalités de financement : 93 entrepreneuses ont été accompagnées depuis 2019 dans leur projet de levée de fonds.

Encourager l’entrepreneuriat passe aussi par la déconstruction de l’idée selon laquelle l’ambition est synonyme d’égoïsme ou d’individualisme. Les femmes qui « réussissent » ont tout intérêt à le mettre en avant et partager leur expérience, non seulement pour inspirer d’autres femmes, mais aussi pour montrer aux investisseurs « la réussite (voire la rentabilité !) des entreprises dirigées par des entrepreneures », selon Bpi France. Il est essentiel dans ce sens de s’appuyer sur des role models existants, et ils sont nombreux : Kelly Massol (Les Secrets de Loly), Pauline Laigneau (Gemmyo), Céline Lazorthes (Leetchi), Julie Chapon (Yuka), Anne-Sophie Pic (restauratrice), Sandra Le Grand (Kalidea, Yapuka), Karima Ben Abdelmalek (Happn)… Mettre en avant la multiplicité de ces parcours inspirants peut entraîner un élan de « pourquoi pas moi ? ».

Enfin, la solution ne peut résider uniquement dans l’incitation des femmes à briser le plafond de verre par elles-mêmes. Les cartes de l’entrepreneuriat ne se retrouvent pas seulement dans les mains des femmes, mais aussi des investisseurs qui peuvent améliorer l’égalité de traitement, des proches qui peuvent soulager leur charge mentale, de l’école qui peut insuffler à toutes et tous l’ambition et la confiance en soi… En conjuguant ces efforts, nous pouvons encourager un entrepreneuriat plus équilibré et dynamique, porteur de croissance et d’innovation pour l’économie de demain !

 

> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : 3 questions à… Marie Eloy, présidente de Bouge ta Boite, et Bénédicte Sanson, co-fondatrice du MoovjeePourquoi les jeunes femmes n’entreprennent-elles pas autant que les jeunes hommes ?