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Egalité femmes/hommes : quelles solutions de l’école à l’entreprise ?

Alors que la prise de conscience collective face aux inégalités femmes/hommes s’intensifie, les stéréotypes liés au genre continuent pourtant d’influencer les parcours scolaires et professionnels. Dans son dernier rapport ”Les inégalités entre les femmes et les hommes de l’école au marché du travail” publié en janvier 2025, la Cour des comptes dresse un constat sans appel sur ces inégalités persistantes et examine les politiques publiques. Elle formule enfin des recommandations pour corriger ces disparités et promouvoir une société plus égalitaire. La Fondation Travailler autrement explore ici ses principaux enseignements.

Famille, école, métiers : des différences de parcours marquées 

La famille constitue le premier cadre de socialisation des enfants et joue un rôle déterminant dans la transmission des normes de genre. De ce fait, la Cour des comptes alerte sur le fait que les stéréotypes influençant la perception des enfants sur leur place dans la société s’installent dès le plus jeune âge. Le rapport observe notamment que la répartition inégale des tâches dans le foyer expose les enfants à une première représentation genrée des compétences. Ainsi,  celles associées au soin, à l’éducation ou à l’entretien du foyer sont encore perçues relevant d’un savoir être “naturel” des femmes. A l’inverse,  les hommes sont davantage encouragés à investir dans des domaines valorisés socialement et économiquement. Ces biais sur les compétences et le travail entraînent un impact significatif sur les choix de carrière et la segmentation des métiers.  

Pourtant, la Cour des comptes rappelle que les filles réussissent plus que les garçons à l’école : elles ont par exemple un taux de réussite au baccalauréat plus élevé que les garçons (92,6% contre 88% en 2023) et sont plus diplômées. Mais cette réussite scolaire ne traduit pas systématiquement une égalité dans l’orientation vers les métiers. En effet, la sous-représentation des femmes dans les filières scientifiques et techniques – 13,7% dans les filières de la production industrielle contre 56,7% dans les services et 71,7% dans les services aux personnes – montre qu’un plafond invisible persiste, empêchant les femmes de s’engager dans des secteurs pourtant en forte demande et mieux rémunérés.

Dès lors, la Cour des comptes alerte sur la nécessité de déconstruire ces stéréotypes dès le plus jeune âge pour contribuer à élargir les possibilités de tous les enfants, filles comme garçons, mais aussi et surtout de faire des progrès dans le monde professionnel.

 

Un monde professionnel en transition : des progrès réels mais insuffisants

Le rapport souligne ensuite que l’intégration des femmes dans le marché du travail a connu des avancées significatives depuis 40 ans, et notamment dans les postes à responsabilité. Par exemple, la proportion des femmes cadres est passée de 4% en 1982 à 18,9% en 2022. L’évolution la plus marquante concerne les professions intermédiaires, où elles ont gagné plus de 9 points et sont devenues plus nombreuses que les hommes, passant de 39,5% à 54,1%. Toutefois, la mixité reste encore très faible dans de nombreux secteurs comme le BTP, et notamment dans les métiers de la production où les femmes sont massivement absentes (1,5%).

Alors, malgré un cadre réglementaire de plus en plus fort, l’égalité professionnelle peine à devenir partout une réalité. Le rapport déplore que les entreprises et les écoles respectent mal leurs obligations en matière de dispositifs à mettre en place, mais il pointe également que les actions mises en œuvre par l’Etat sont insuffisantes et souffrent d’un “manque de pilotage”. D’ailleurs, il remarque que le système de sanctions et pénalités mis en place en cas de non-respect des dispositifs est très insuffisamment appliqué, ce qui réduit l’incitation des entreprises à s’engager réellement et à rectifier leurs manquements.

Par ailleurs, la Cour des comptes pointe que les écarts salariaux persistent, avec 23,5% en moyenne, se réduisant à 14,9% à temps de travail égal. Comme exposé plus haut, cela s’explique en partie par le fait que les femmes sont à la fois concentrées dans les “filières féminines”, souvent moins rémunérées, et sous-représentées dans les postes de direction ou dans les métiers valorisés économiquement. 

En outre, les difficultés d’insertion à l’emploi des femmes comparé aux hommes peuvent refléter des biais de recrutement persistants qui réduisent leurs opportunités professionnelles, en particulier dans les secteurs techniques et scientifiques. Sur ce point, le rapport félicite plusieurs initiatives mises en place pour faire disparaître ces biais, comme en Haute-Loire où cinq entreprises de plasturgie ont mené une action commune et réussie pour féminiser le secteur, ou encore à Béziers où une technique de recrutement innovante (MRS) qui privilégie l’habileté et les compétences a permis d’attirer des profils féminins dans une usine d’électrolyseurs à haute température.

Le rapport met d’ailleurs en avant les bénéfices d’une meilleure inclusion des femmes dans le monde du travail, grâce à une étude établissant qu’une augmentation de 10% de la part des femmes dans une entreprise entraîne un gain de productivité de 2 à 3%. Alors, loin d’être une contrainte, l’intégration des femmes dans l’entreprise constitue un réel levier de performance économique, dont l’impact positif pourrait être davantage exploité grâce à des politiques plus ambitieuses et mieux appliquées. 

 

Construire une égalité f/h réelle et durable : quels leviers d’actions pour accélérer le changement ?

La Cour des comptes émet plusieurs recommandations. 

Tout d’abord, la Cour des comptes estime que déconstruire les stéréotypes et favoriser la mixité professionnelle ne signifie pas pour autant qu’il faille effacer les différences de choix. Elle préconise plutôt au Ministère du Travail de s’impliquer davantage à revaloriser les métiers majoritairement exercés par des femmes et à expliciter de manière systématique les enjeux de mixité dans ses divers engagements.

Ensuite, la Cour des Comptes précise qu’inscrire l’égalité femme-homme comme priorité du Comité National de l’Information Statistique ainsi qu’affirmer le rôle de l’INSEE dans la coordination des statistiques genrées est indispensable. En effet, la collecte de données statistiques genrées est insuffisante, ce qui empêche une réelle vision claire sur la situation inégalitaire en France, et donc d’ajuster les politiques en conséquence.

De plus, aux Ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, elle préconise de mettre en œuvre des plans de formation continue destinés aux enseignants et personnels de l’enseignement afin de les sensibiliser à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes et à la pédagogie égalitaire. 

Enfin, il est indéniable que les représentations jouent un rôle central dans la construction des aspirations professionnelles. Ainsi, la Cour des comptes recommande de développer et diffuser des “roles models” féminins pour promouvoir des parcours de réussite, notamment dans des secteurs perçus comme masculins, afin d’encourager les filles à s’orienter vers des métiers où elles sont encore sous-représentées.

Ainsi, si des avancées positives sont notées, il reste encore de nombreux défis à relever pour atteindre une égalité réelle entre les femmes et les hommes, tout en respectant les aspirations de chacun. D’après la Cour des comptes, s‘il est nécessaire de déconstruire les stéréotypes à échelle individuelle, il faut aussi et surtout transformer et réformer les structures qui ont un rôle clé dans la transmission ou la destruction des inégalités : familles, monde éducatif, entreprises, institutions. A travers ces différents leviers, il est possible d’instaurer une société inclusive où les parcours ne sont plus déterminés par le genre, mais par les affinités et les compétences. 

 

> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Egalité F/H : Repenser les choix professionnels au-delà des stéréotypesEntreprendre au féminin : quels défis en 2025 ?3 questions à… Marie Eloy, présidente de Bouge ta Boite, et Bénédicte Sanson, co-fondatrice du Moovjee,