
Les métiers des territoires, piliers de l’économie locale
Les métiers des territoires, ancrés dans le quotidien des Français et façonnant l’économie locale, permettent aussi de tisser les liens humains et de préserver des savoir-faire uniques. Mais dans un contexte de transition écologique, de tensions sur l’emploi et de désertification rurale, ces métiers essentiels peinent à attirer, et sont donc amenés à se réinventer.
Des métiers essentiels à la vitalité des territoires
Parmi les métiers ancrés localement, les agents des fonctions publiques jouent un rôle central pour garantir l’accès aux services publics. La fonction publique territoriale (FPT), qui regroupe un peu plus d’un tiers des agents, assure des missions de proximité : aménagement du territoire, entretien des infrastructures et des espaces verts, gestion de l’eau, accueil de la petite enfance et des personnes âgées, action sociale, etc. Les agents de la fonction publique hospitalière – médecins, infirmiers, aide-soignantes, ingénieurs de recherche ou en biologie médicale, directrices d’hôpital, etc – sont quant à eux essentiels dans les zones où hôpitaux et Ehpad représentent l’unique accès aux soins. Ces métiers renforcent le lien social et participent à l’attractivité des territoires.
Au-delà de la sphère publique, d’autres secteurs s’inscrivent profondément dans les dynamiques territoriales en préservant des savoir-faire uniques. Ainsi, en France, près des deux tiers du territoire sont consacrés à la production agricole,avec près de 400 000 exploitations agricoles et 500 000 chefs d’exploitation ou co-exploitants selon l’INRAE. L’artisanat, lui aussi, est fortement enraciné localement, avec de nombreuses traditions et des savoir-faire ancestraux propres à certains territoires, comme la facture d’orgues dans le Grand-Est, la faïence à Quimper, les sièges d’ameublement en Nouvelle-Aquitaine, ou l’horlogerie dans le Jura.
Enfin, les très petites entreprises (TPE, de 1 à 10 salariés) sont considérées comme des “couches protectrices de l’économie locale” d’après une étude de l’institut Terram publiée en juillet 2024. L’étude témoigne qu’elles sont surreprésentées dans l’économie de proximité : construction, immobilier, artisanat, services à la personne, hébergement, restauration, culture… Employant 3,6 millions de salariés en 2022, leur poids serait “proportionnellement plus élevé dans les ruralités et les petites agglomérations que dans les métropoles”.
Malgré leur importance, ces métiers sont aujourd’hui fragilisés par un manque d’attractivité.
Des défis de renouvellement et d’attractivité
Ce phénomène est particulièrement visible dans la fonction publique. D’après le baromètre HoRHizons 2025, qui s’appuie sur une enquête du CNFPT, les jeunes ne sont plus attirés par ces missions dans les territoires, et les départs en retraite sont nombreux : en 2020, ¼ des agents de la FPT avaient plus de 55 ans. Les communes doivent recourir de plus en plus aux contractuels. Les raisons ? Au-delà des salaires souvent plus bas que dans le privé et de la pénibilité des missions, ces métiers sont mal connus des étudiants, et peu valorisés par les classes politiques. Mais la diminution des effectifs impacte les conditions de travail de ceux qui restent, créant un cercle vicieux qui pousse aux départs. Des défis qui font écho à la situation des agriculteurs, alors qu’ils sont 100 000 de moins qu’il y a 10 ans. Aujourd’hui, plus de la moitié d’entre eux ont plus de 50 ans et d’ici 2030, un sur deux devrait partir en retraite. Aux soucis de précarité, de solitude et de pénibilité élevées s’ajoutent un cadre légal manquant pour favoriser la transmission ou la location d’exploitations à de jeunes agriculteurs.
La crise d’attractivité dans les territoires a un impact conséquent sur la vie des Français, et qui pourrait s’aggraver, entre absence de professeurs non remplacés, dégradation des conditions d’accueil des personnes âgées et des enfants dans les structures, allongement des délais d’obtention de rendez-vous administratifs… Le constat est d’autant plus frappant dans l’accès aux soins, puisque les déserts médicaux concernaient une commune sur trois en 2020. Une étude de l’Association des maires ruraux de France révélait d’ailleurs en 2022 qu’à âge et sexe égaux, les ruraux “consommaient” 20% de soins hospitaliers en moins que les urbains. En conséquence, l’espérance de vie des hommes en zone rurale était de 2,2 années inférieure à celle des hommes vivant en zone urbaine.
Ce défaut de services et de dynamisme du territoire peut ainsi empêcher l’installation de nouveaux travailleurs dans ces territoires. Les zones rurales restent néanmoins des terres d’opportunités : elles offrent un cadre propice pour se réinventer et se saisir de la transition écologique tout en favorisant l’innovation sociale.
Les territoires, piliers d’une transition durable et inclusive
Les métiers de proximité, ancrés dans le quotidien, sont particulièrement bien placés pour répondre aux défis de demain. Ainsi, une multitude de métiers du futur seront tournés vers des enjeux locaux : fermier vertical, conseiller en agro-écologie, acteur des circuits courts, ouvrier de tri sélectif, éco-urbaniste, etc. Aujourd’hui déjà, l’inclination grandissante des consommateurs pour les produits bio, locaux, les circuits courts ou la seconde main représente autant de débouchés pour les acteurs de terrain.
Certaines initiatives montrent la voie. Dans le secteur agricole, 2e émetteur de gaz à effet de serre en France, Le Printemps des Terres propose un modèle innovant : des terres dégradées ou délaissées sont rachetées, restaurées, puis louées à des agriculteurs. Au bout de 5 ans, ils peuvent les racheter à moindre risque grâce à un modèle économique stabilisé, à condition de poursuivre une activité respectueuse de l’environnement. 35 zones ont déjà été revitalisées ainsi.
Sur le principe que personne n’est inemployable, l’association Territoires zéro chômeur de longue durée propose un CDI à des personnes éloignées de l’emploi en développant des activités utiles et non concurrentielles. 83 territoires ont été habilités à l’expérimentation, comme à Prémery (Nièvre). Ce village de 1800 habitants, qui a souffert de la désindustrialisation, a pu “réaffecter le coût du chômage pour la société en répondant à un nouveau besoin non couvert sur le territoire” – Jacques Legrain, conseiller départemental. Le chômage dans cette zone est passé de 23% à 14% grâce à l’entreprise EBE 58 qui a permis d’employer une centaine de personnes dans des activités variées non assurées par les entreprises locales : coupe du bois, maraîchage, entretien des espaces verts, recyclerie et réparation… L’entreprise est aujourd’hui le premier employeur local et participe pleinement à la revitalisation du territoire.
Les métiers des territoires représentent donc bien plus que des emplois. Ils sont le socle d’une économie locale dynamique, porteuse de lien social et de durabilité. Si les défis sont nombreux, de bonnes initiatives et transformations sont à observer et à multiplier, en misant sur la coopération, la stabilité économique, la créativité et la transversalité des projets.
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