
S’épanouir professionnellement en dehors des grandes villes : mission possible !
Dans un contexte qui tend à favoriser la flexibilité et la recherche de sens au travail, on parle de plus en plus du phénomène de l’”exode urbain”, un phénomène contesté et débattu mais qui pointe une réalité qui s’est accélérée avec la crise sanitaire de la Covid-19 : nombreux sont les travailleurs des grandes villes qui choisissent de quitter l’effervescence citadine pour s’installer en milieu rural à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Mais, loin de ces métropoles où tout se passe, est-il vraiment possible de s’épanouir professionnellement ?
Pourquoi les travailleurs métropolitains fuient ils les grandes villes ?
Si les métropoles offrent de nombreuses opportunités professionnelles, elles génèrent aussi des défis majeurs pour ceux qui y travaillent : stress, difficulté à créer des liens de proximité, coût élevé de la vie, manque de sens… La transformation du monde professionnel, avec l’intensification du travail et du « modèle à la hâte » peuvent amener à un manque de visibilité sur l’impact réel de son activité, et la complexité des relations hiérarchiques alimentent parfois un sentiment de déconnexion ou de démotivation dans les grandes villes et les quartiers d’affaires. Autant de raisons qui poussent certains actifs à envisager un départ vers des territoires plus petits, où le travail et la qualité de vie peuvent s’harmoniser différemment.
En changeant de cadre, certains travailleurs parviennent alors à redéfinir leur rapport au travail, en instaurant des rythmes plus apaisés et en profitant d’un environnement moins saturé. Pour l’économiste Coralie Perez, le sens au travail, qui est recherché par de plus en plus d’actifs, repose sur trois piliers : “l’utilité ressentie au travail, la capacité à travailler en cohérence avec ses valeurs et ses normes professionnelles, et la possibilité d’exprimer sa singularité et ses habiletés”. De plus en plus de travailleurs cherchent ainsi de plus en plus à s’impliquer dans des projets qui ont du sens, qui sont concrets et qui permettent de créer des liens de proximité avec les acteurs locaux. Les métiers qui se pratiquent en milieu rural, souvent (mais pas toujours) en lien avec la nature ou les savoirs-faire traditionnels, peuvent offrir cette satisfaction de contribuer à des projets locaux et durables, avec des acteurs de proximité.
En quittant les grandes villes, les travailleurs cherchent aussi un environnement plus calme, avec une meilleure accessibilité à la nature, des espaces plus grands, et un coût de la vie considérablement moins élevé. Ainsi, par exemple, les ménages qui quittent l’Île-de-France occupent des logements jusqu’à 31% plus grands que dans la capitale, selon l’étude “Exode urbain : mythe ou réalité ?”, réalisé par le POPSU Territoires en 2023. De plus, d’après une étude menée par l’INSEE en 2021, pour 27% des travailleurs concernés, ce mouvement est aussi une manière de revenir à leurs racines et de participer au dynamisme de leur région d’origine.
Les défis de la vie professionnelle en milieu rural : des obstacles à surmonter
S’installer en dehors des grandes métropoles n’est cependant pas sans défis. Le premier d’entre eux est sans doute le sentiment d’isolement, qui peut être renforcé par ceux qui, habitués à la vie dynamique des grandes villes, peuvent ressentir une certaine solitude dans les territoires plus isolés. En milieu rural, les opportunités d’échanger, de collaborer ou de se former sont parfois plus limitées que dans les métropoles. Le manque de structures professionnelles locales, de salons, de conférences ou d’autres événements de réseautage peut freiner l’évolution professionnelle et avoir un impact sur l’épanouissement personnel et la motivation professionnelle, notamment pour les jeunes diplômés qui n’ont pas encore de relations établies ou ceux qui cherchent à s’implanter dans des secteurs d’activités très spécialisés.
D’autant plus que les grandes villes sont encore, dans l’imaginaire collectif, perçues comme des foyers d’opportunités pour trouver un emploi, et où les carrières peuvent décoller. Dans des secteurs comme la culture, la gastronomie ou la mode, Paris est par exemple encore vu comme incontournable pour entamer et développer une carrière. Une étude du Crédoc et de l’ANCT menée en 2023 montre que les zones rurales, à l’inverse, sont plutôt pointées comme étant le bassin d’un territoire délaissé en terme d’emploi : ils sont en moyenne moins qualifiés (moins de cadres, plus d’ouvriers), moins sécurisants (moins de CDI, plus d’indépendants et d’agriculteurs), moins diversifiés, et les rémunérations élevées sont moins fréquentes.
La vie en milieu rural s’accompagne également de défis pratiques. Les problèmes d’infrastructures de transport, de connexion internet, et l’accès aux services comme les soins médicaux ou la formation restent également des obstacles importants à surmonter, tant pour ceux qui souhaitent en bénéficier, que pour les travailleurs concernés. Ces manques peuvent rendre l’expérience de vie à la campagne plus compliquée, même pour ceux qui bénéficient de la flexibilité du télétravail. Mais s’il existe des défis, il y a heureusement aussi des solutions pour faire de son épanouissement professionnel en dehors des grandes villes une mission possible !
Comment faire de l’”exode urbain” une réussite professionnelle
Pour ceux qui choisissent de s’installer définitivement loin des grandes villes, de nombreuses solutions et avantages existent. D’abord, le déménagement vers les campagnes est soutenu par des réseaux d’entraide professionnels (tels que l’AFIP, Cap Rural ou encore RESO Emploi Rural), des coopératives, associations, ou encore des incubateurs d’entreprises régionaux. Les dispositifs d’accompagnement pour les entrepreneurs s’installant en zone rurale, ou encore les tiers-lieux ruraux, qui proposent divers activités et des services (formation, numérique, économie circulaire, transition écologique, production locale, culture….), favorisent également l’emploi et renforcent la connexion et l’entraide entre les acteurs.
En outre, il est important de rappeler que la ruralité représente 88% des communes françaises : cela témoigne d’un large potentiel en termes de dynamisation des territoires et de l’emploi local. S’installer en milieu rural permet d’ailleurs de s’engager dans des projets à impact, en lien avec des secteurs en pleine expansion comme l’agriculture durable, le tourisme vert ou les énergies renouvelables.
De plus, au-delà de l’aspect purement professionnel, travailler dans les territoires permet de redéfinir son rôle dans la société. En dehors des grandes villes, les individus sont moins définis par leur statut professionnel. Leur place dans la société devient plus large et diversifiée : “on est quelqu’un car on a un rôle dans le club de sport local, car on est engagé politiquement, car on s’occupe de telle fête traditionnelle…” souligne Pauline Rochart, sociologue du travail, auteure de l’ouvrage Ceux qui reviennent : Quitter Paris pour retourner vivre dans son territoire d’origine publié en 2025. Ce mode de vie remet en question les critères de succès et de carrière associés à la vie urbaine, et permet à chacun de trouver sa place dans les territoires ruraux. L’avenir du travail pourrait-il bien se dessiner en dehors des métropoles ? En tout cas, s’épanouir professionnellement en dehors des grandes villes est non seulement possible, mais travailler dans les territoires permet aussi de redéfinir la place du travail dans sa vie, loin du tumulte urbain !
> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Egalité F/H : Repenser les choix professionnels au-delà des stéréotypes, Entreprendre au féminin : quels défis en 2025 ?, 3 questions à… Marie Eloy, présidente de Bouge ta Boite, et Bénédicte Sanson, co-fondatrice du Moovjee