Actualité
Infos

Handicap au travail : quelle situation en 2023 ?

L’idée que se fait la société du handicap est bien souvent éloignée de la réalité. Si l’on a tendance à cantonner le handicap à ce que l’on peut en voir, il en existe pourtant différents types dont la majorité est invisible. C’est pourquoi le travail d’information et de sensibilisation au handicap est primordial pour changer notre regard et nos convictions sur le sujet : c’est le premier pas vers l’acceptation des personnes en situation de handicap dans la société, et plus particulièrement dans le monde du travail. Si les progrès sont notables en la matière, qu’en est-il du traitement du handicap au travail aujourd’hui en France ?

Handicap et travail : quelques fondamentaux

Selon la loi, “constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant”.

La notion de handicap renvoie donc à l’inadéquation entre une personne et son environnement. Le handicap est pluriel mais peut se scinder en deux catégories : les handicaps visibles et les handicaps invisibles. Si les handicaps visibles sont les plus connus, ils ne sont qu’une minorité quand les handicaps invisibles représentent 80% du total. Or, cette majorité numérique n’est pas la plus médiatisée, ce qui explique la mésinformation à cet égard.

Si certaines personnes en situation de handicap sont inaptes à travailler et bénéficient alors d’un soutien financier public, d’autres le peuvent tout à fait et bénéficient à ce titre des différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics visant à favoriser leur insertion et leur maintien dans l’emploi (RQTH, emploi accompagné, OETH, AMEETH…). En entreprise, ces travailleurs peuvent avoir droit à des aménagements et à un accompagnement adaptés à leurs capacités.

Handicap : une situation imparfaite mais qui s’améliore sur le marché du travail

Le monde de l’entreprise est une représentation fidèle de la société, alors, comme souvent, on s’attend à ce qu’il impulse les grands changements. Mais qu’en est-il de la situation des travailleurs handicapés sur le marché du travail ?

Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Toutefois, la situation s’améliore : le taux de chômage a poursuivi sa baisse en 2022 pour atteindre 13% ; son niveau le plus bas depuis 7 ans. Les personnes en situation de handicap sont par ailleurs plus en proie au chômage longue durée bien que les chiffres soient là aussi en baisse. La progression des résultats en termes d’insertion professionnelle et de maintien dans l’emploi est un autre marqueur de l’amélioration de la situation. Au total, sur 2,7 millions de personnes en âge de travailler (de 15 à 64 ans) à avoir une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie, 42% sont des actifs dont 36% en emploi, ce qui représente 955 000 travailleurs.

Une enquête de l’Ifop pour l’Agefiph de 2022 rapporte que « 64% des employeurs interrogés estiment que les difficultés actuelles de recrutement pourraient les inciter à embaucher des travailleurs en situation de handicap, dont 30% très certainement ».

Si on est sur la bonne voie du point de vue de l’insertion, les travailleurs handicapés sont touchés par une certaine précarité professionnelle : discrimination à l’embauche, parcours hachés, CV troués, emplois précaires, manques de perspectives, auto-censure. Si cette précarité professionnelle ne doit pas être perçue comme une fatalité, il est primordial d’y remédier pour concrétiser les droits économiques des personnes handicapées. Certains invoquent le droit au travail qui a valeur constitutionnelle et qui est également consacré à échelle européenne et internationale.

Il n’en reste pas moins que les politiques publiques volontaristes d’accompagnement des personnes en situation de handicap vers l’emploi et dans l’emploi ainsi que les associations spécialisées aident à construire une place pérenne aux personnes handicapées dans le monde du travail.

Pluralité de handicaps : une organisation du monde du travail adaptée

Afin d’adapter l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap à leurs capacités et à leurs besoins, il leur est possible de travailler dans différents types d’organisations.

Les établissements et services d’aide par le travail permettent à certaines personnes handicapées d’exercer une activité professionnelle adaptée à leurs possibilités, dans un milieu protégé de travail. Les ESAT visent l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées et leur offrent un soutien médico-social et éducatif afin de favoriser leur épanouissement personnel et social.

Les travailleurs handicapés peuvent aussi travailler en milieu adapté ou ordinaire et bénéficier d’une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé qui leur permet de se faire accompagner dans leur insertion professionnelle et dans leur maintien dans l’emploi.

Nombreuses sont les personnes handicapées qui travaillent en milieu ordinaire dans une entreprise classique, parfois sans même que leur handicap ne soit connu de leurs collègues ou de leur employeur. Ceci est l’une des raisons du encore trop faible taux de travailleurs handicapés, reconnus médicalement mais pas administrativement puisque ces salariés ne rentrent donc pas dans les chiffres. Dès lors, les entreprises peuvent être confrontées à la difficulté d’identifier et de recruter des personnes en situation de handicap. En vertu du principe d’égalité de traitement, le travailleur est protégé contre toute discrimination fondée sur son handicap et peut bénéficier si nécessaire d’aménagements, ce qui est censé l’inciter à déclarer son handicap.

Inclusion au travail : des entreprises entre obligations et volontarisme

Les entreprises sont soumises à des obligations juridiques visant à favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap. L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, par exemple, impose aux entreprises de déclarer les salariés handicapés qu’ils emploient, et pour celles de plus de 20 salariés, de respecter un taux d’emploi de 6% de l’effectif total. Il est aussi devenu obligatoire pour les entreprises de plus de 250 salariés de désigner un référent handicap chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner ces travailleurs, bien que la loi ne prévoie aucune sanction en cas de non-respect.

En parallèle de ces obligations, les entreprises peuvent mettre en place des politiques structurées en matière de handicap. C’est par la sensibilisation et la formation que les regards évoluent sur le sujet et qu’on favorise le travail des personnes handicapées, vecteur d’intégration sociale et source d’épanouissement et d’accomplissement. Toutefois, il faut mêler la théorie à la pratique et mener des actions concrètes dans les parcours de recrutement, d’intégration et dans l’accompagnement du travailleur au cours de sa carrière. Tout l’enjeu est de cerner les répercussions du handicap sur le travail et les besoins spécifiques du travailleur. Par ailleurs, il est essentiel de rendre inclusifs les outils de travail et de communication utilisés : la pandémie a occasionné un développement sans précédent du télétravail et de la digitalisation des pratiques, ce qui a créé une vraie opportunité pour tous ceux dont le handicap rend le travail en présentiel difficile voire impossible, notamment à l’égard des déplacements. Il faudra toutefois veiller à préserver le lien social. Les associations endossent un rôle clé d’intermédiaire entre les travailleurs handicapés et les entreprises.

Certaines entreprises vouent même leur mission à la cause : Biscornu ou encore Café Joyeux recrutent des personnes handicapées pour agir en faveur de l’emploi de ces travailleurs, valoriser leurs talents et prouver que travail et handicap ne sont pas incompatibles, bien au contraire.

En outre, certaines personnes en situation de handicap se lancent dans l’aventure entrepreneuriale. Aide à la création, accompagnement et soutien au développement : les travailleurs indépendants handicapés peuvent bénéficier d’un certain nombre de dispositifs pour déployer leur activité. Pour la majorité anciens salariés et à 89% déjà en situation de handicap avant la création de leur activité d’indépendant, ils sont 75 000 travailleurs indépendants handicapés aujourd’hui en France. Les entreprises peuvent sous-traiter certaines de leurs activités auprès de ces TIH, comme auprès d’établissements des secteurs protégé ou adapté : cela leur permet de remplir leur Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés et d’agir concrètement pour l’emploi des personnes en situation de handicap.

Enfin, penser au handicap, c’est aussi le prévenir : les exosquelettes sont de plus en plus prisés dans les entreprises où les métiers manuels font encourir des risques d’accident ou d’apparition d’une maladie professionnelle handicapante.

Ainsi, le handicap est pluriel et ouvre la voie à des parcours multiples : en ESAT, en entreprise adaptée, en milieu ordinaire ou encore en indépendant. Si les chiffres sont globalement encourageants et les politiques volontaristes notables, il reste encore un long chemin à parcourir avant que les personnes handicapées soient traitées équitablement sur le marché du travail. L’objectif “plein emploi” du Gouvernement est une occasion à saisir pour faire valoir le droit au travail des personnes en situation de handicap. Les entreprises ont elles aussi un rôle à jouer dans l’inclusion des travailleurs handicapés dans le monde du travail. Il appartient aussi à chaque citoyen d’apporter sa pierre à cette construction collective.

> Aller plus loin sur le site de la Fondation : Inclusion des travailleurs handicapés : soyons optimistes !, Handicap : quelles leçons tirer du passé ?