Actualité
Infos

L’emploi des seniors face aux transitions démographiques

Alors que l’espérance de vie augmente, et que la population active diminue, maintenir les seniors en emploi devient un enjeu crucial. Pourtant, de nombreux freins culturels, physiques et organisationnels entravent leur employabilité. Comment surmonter ces obstacles pour valoriser leur expérience, tout en répondant aux tensions croissantes sur le marché du travail et aux attentes des employeurs ?

Les seniors : un levier stratégique face à la pénurie de talents

Allongement de l’espérance de vie, rentrée plus tardive des jeunes sur le marché du travail, recul de l’âge de la retraite… Ces évolutions démographiques nécessitent un maintien en emploi des seniors, pour éviter une pénurie de ressources humaines d’un côté, et permettre de financer la retraite d’une population vieillissante de l’autre. D’après les prévisions économiques et démographiques, au 1er janvier 2050, un tiers des habitants en France auront 60 ans et plus, contre un cinquième en 2005. 

Ce besoin de se tourner vers les salariés expérimentés est une aubaine pour les entreprises, et pour les salariés eux-mêmes. Le travail, source de réalisation personnelle et d’un sentiment d’utilité, peut être bénéfique pour ceux qui ne sont pas prêts à raccrocher. Et les entreprises ont tout intérêt à faire appel à eux, puisqu’ils apportent des atouts incontestables : adaptabilité, expertise, loyauté, capacité de transmission, confiance, crédibilité, disponibilité, prise de recul… Leur contribution est essentielle au maintien d’un équilibre propre à l’innovation et à la stabilité des équipes.

La nécessité de “travailler plus longtemps plus vieux se heurte pourtant aux chiffres actuels d’emploi des seniors : en 2023, seuls 58,4% des 55-64 ans occupaient un emploi en France, un chiffre en progression mais toujours en retard sur la moyenne européenne de 63,9%. Cette proportion chute d’ailleurs à 38,9% pour les 60-64 ans. Ces données mettent en évidence un paradoxe : bien que les entreprises soient confrontées à une pénurie de talents exacerbée par les évolutions démographiques, les seniors peinent à trouver leur place sur le marché du travail. Quels sont les freins à cette employabilité ?

 

Les freins à l’emploi : entre stéréotypes et difficultés structurelles

Les seniors subissent de nombreux stéréotypes liés à leur âge : ils sont perçus comme rigides, incapables d’innover, trop chers, ou encore “peu productifs, inadaptés au numérique, pas assez coopératifs avec les jeunes”. D’après le Haut-Commissariat au Plan, “c’est le regard des collègues sur un travailleur expérimenté qui, par ses aspects infantilisants et les stéréotypes qu’il projette, peut le démotiver et lui faire perdre en productivité”. Les seniors ont tout simplement moins de chance dans les processus de recrutement : 32% des recruteurs et 68% des DRH écartent systématiquement leurs candidatures.

A cela s’ajoute une usure professionnelle souvent invisible mais bien réelle. L’environnement de travail, la durée de l’activité, la répétition des tâches, les mauvaises postures, le bruit, le travail en équipe alternante, les horaires décalés, le stress permanent… sont autant de facteurs qui entraînent une baisse de la performance, des difficultés à exercer son poste, et éventuellement, de l’absentéisme et du turn-over. En 2021, plus de 600 000 salariés étaient déclarés au compte professionnel de prévention par leur employeur, dont ¾ d’hommes. Un nombre qui pourrait être sous-estimé car certains critères de pénibilité, comme le port de charges lourdes, ne sont pas reconnus par ce compte. De plus, il laisse de côté certains secteurs comme celui des travailleuses du care (aide à domicile, aide-soignantes) qui, travaillant chez leurs patients, rendent la détection de leur usure professionnelle plus difficile.

Enfin, la grandparentalité et l’aidance ne doivent pas être sous-estimées concernant cette catégorie d’actifs, notamment pour les femmes, alors que l’âge moyen pour devenir grand-parent est de 56 ans, et qu’⅓ des femmes entre 55 et 64 ans ont un rôle d’aidant. A défaut de solutions, certaines doivent abandonner leur activité professionnelle pour soutenir ou s’occuper de leurs proches. Un choix qui peut être évité si l’employeur les accompagne sur ces sujets.

La soutenabilité du travail des seniors est donc parfois compromise, alors même qu’ils sont nécessaires au bon fonctionnement des entreprises, notamment face aux évolutions démographiques. Quelles solutions peuvent être mises en place ?

 

De multiples solutions pour prolonger leur engagement

Les entreprises ne doivent pas attendre la deuxième partie de vie professionnelle des salariés pour se soucier de la soutenabilité de leur métier. Pour cela, des leviers existent. Afin d’éviter l’usure, elles peuvent par exemple faciliter les adaptations du poste : espaces de travail ajustés aux besoins, équipements ergonomiques, temps de travail aménagé, etc. En parallèle, il est dans leur intérêt de faciliter les transitions en fin de carrière, via des dispositifs tels que le cumul emploi-retraite ou la retraite progressive. Pour cela, elles peuvent s’appuyer sur des outils déjà existants, mais encore trop peu exploités. Le compte professionnel de prévention (C2P) retient par exemple 6 critères de pénibilité, qui peuvent donner lieu à différentes compensations (accès privilégié à la formation, réduction du temps de travail, retraite anticipée…). En intégrant mieux la pénibilité dans certains métiers plus précaires ou dans les secteurs à dominance féminine, il offrirait une reconnaissance et un soutien mieux adapté.

La formation joue également un rôle fondamental dans la prolongation de l’engagement des seniors : former une catégorie de travailleurs comme si elle n’était pas sur le départ renforcerait son engagement et sa productivité. Pour ce faire, les bilans de compétences et la gestion prévisionnelle des compétences (GPEC) permettent d’évaluer les inaptitudes ou les missions pénibles et d’anticiper les reconversions nécessaires.

Enfin, il est nécessaire de prendre en considération les différents besoins des travailleurs : cadre vs non-cadre, métier intellectuel vs métier physique… les difficultés et les aspects de pénibilité ne sont pas les mêmes et les solutions doivent être adaptées  en fonction. 

 

> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Métiers du lien : renforcer l’attractivité des métiers essentiels, Transition démographique : une opportunité pour le monde économique ?