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La santé mentale, grande cause nationale 2025 : quelles implications pour les entreprises ?
Les crises récentes (sanitaire, économique, politique, diplomatique, environnementale) ont imposé le sujet de la santé mentale comme un enjeu sociétal majeur. Elle touche fortement le monde de l’entreprise : le dernier baromètre Qualisocial révèle qu’¼ des salariés estiment être en mauvaise santé mentale. Face à cet enjeu, la santé mentale a été déclarée Grande Cause Nationale pour 2025. Dans ce contexte, quels sont les enjeux et les actions concrètes à mettre en place ?
La santé mentale, une priorité sociétale affirmée
En octobre 2024, Michel Barnier, alors Premier ministre, a annoncé que la santé mentale serait érigée en Grande Cause Nationale pour l’année 2025. Le label “Grande cause”, attribué par concours public chaque année depuis 1977 par le Premier ministre, permet à un organisme à but non lucratif ou à un collectif d’associations de conduire une large campagne d’information et de sensibilisation sur le sujet défini. En 1977 par exemple, le label avait été donné à Espoir pour le Cancer. Et en 2024, il s’était porté sur la promotion de l’activité physique et sportive.
Si le détail des actions qui seront prises reste à définir, Michel Barnier avait annoncé 4 objectifs prioritaires pour promouvoir la santé mentale :
- la déstigmatisation, pour changer le regard des Français sur le sujet
- le développement de la prévention et du repérage précoce grâce à des actions de sensibilisation et de formation dans tous les domaines
- l’amélioration de l’accès aux soins sur tout le territoire (structuration des parcours de prise en charge, développement des nouveaux métiers, doublement du nombre de maisons des adolescents)
- l’accompagnement des personnes concernées (logement, emploi, formation, loisirs, etc)
D’après Jean-Philippe Cavroy, porte-parole du collectif Santé mentale Grande cause nationale 2025, “il n’y a pas deux mondes : le monde de ceux qui ne vont pas bien et ceux qui vont bien”. L’idée est de donner la parole aux personnes concernées, de favoriser les échanges et les actions concrètes. Des actions sont prévues chaque mois en fédérant les acteurs publics et privés : à la télévision, dans la culture, dans l’éducation, mais aussi dans le monde de l’entreprise.
La santé mentale en entreprise : un double enjeu
Le monde de l’entreprise n’est pas épargné par la montée en flèche des troubles psychiques. D’après Malakoff Humanis, les motifs psychologiques sont la principale raison de prescription d’arrêts de travail de longue durée : ils concernent 31% des salariés, un triplement depuis 2020 ! Parmi les enjeux de santé mentale en entreprise, on peut distinguer l’impact des conditions de travail sur la santé mentale, et l’intégration professionnelle des salariés ayant des maladies mentales.
D’un côté, une santé mentale défaillante peut résulter du stress, des mauvaises relations avec un collègue ou son manager, du manque de reconnaissance, d’une charge de travail élevée (ou au contraire être liée à l’ennui), les violences, l’épuisement, la rémunération, ou encore les troubles mentaux causés par des difficultés physiques. Si bien que 42% des salariés se considéraient en 2024 en situation de détresse psychologique modérée ou élevée. Les managers de proximité ont particulièrement été impactés : leur absentéisme a doublé, “notamment car ils ont été surexposés aux problématiques d’épuisement et de burn-out à la suite de la crise sanitaire”, selon Christophe Nguyen, psychologue du travail. La généralisation du télétravail, provoquant en plus une injustice sociale pour ceux qui ne peuvent pas en faire, mais aussi les propres contraintes personnelles tout en assurant une continuité du service et une prise en compte des difficultés personnelles des collaborateurs, constituent autant de facteurs de dégradation de la santé mentale des managers. La charge de travail manque également de régulations et de mesures : aujourd’hui, près d’un salarié sur deux déclare ne pas pouvoir dire non à une charge de travail additionnelle.
De l’autre côté, l’entreprise fait également face à un sujet d’intégration des salariés ayant des troubles mentaux (schizophrénie, bipolarité, dépression, autisme, TOC, anxiété, déficit de l’attention, etc). Si les troubles psychiatriques concernent 1 Français sur 4 au cours de sa vie, 50% des concernés préfèrent se taire, par crainte de jugement. En 2022, selon l’OMS, 13 millions de Français étaient concernés par la maladie mentale et les troubles psychiques (1% d’entre eux étant concernés par des troubles graves), avec un retentissement majeur dans toutes les sphères, et une espérance de vie réduite de 15 ans. L’entreprise, parmi d’autres acteurs, a un rôle à jouer sur la détection des signaux faibles. D’après Christophe Nguyen, “l’entreprise doit détecter, accompagner, prévenir les risques mais en aucun cas prendre en charge, car ce n’est pas un hôpital psychiatrique !” Il est nécessaire d’assurer une bonne insertion professionnelle de ces travailleurs, mais en aucun cas de se substituer au corps médical.
Les entreprises, acteurs privilégiés de la prévention
La désignation de la santé mentale comme grande cause nationale 2025 implique une responsabilité accrue pour les employeurs. Lors de la remise de son dossier de candidature, le collectif Santé mentale grande cause nationale 2025 avait annoncé que le mois de mars 2025 se focaliserait sur la santé mentale en milieu professionnel, au travers notamment d’une consultation nationale pour dresser un état des lieux des attentes et besoins. Sont également prévus le lancement de la charte “Entreprises et santé mentale”, la mise en place d’un baromètre pour mesurer l’évolution des pratiques et initiatives, et un plan d’action pour accompagner à la mise en œuvre de dispositifs concrets.
Alors que 91% des salariés français considèrent l’attention portée à la santé mentale comme un facteur important dans le choix d’un employeur (étude Randstad Workmonitor 2024), il est essentiel d’agir. D’après François Moreau, secrétaire général de Randstad France, le fait que la santé mentale soit déclarée grande cause nationale permettra à l’employeur, aux salariés et aux partenaires sociaux d’“échanger davantage pour faire émerger des plans d’actions et mettre en place des dispositifs d’alerte au coeur de l’entreprise”.
Heureusement, des initiatives existent pour accompagner les entreprises, comme la formation aux “premiers secours en santé mentale” proposée par l’association française du même nom, ou la plateforme proposée par Teale pour permettre un accompagnement personnalisé et collectif des salariés. Mais pour que la santé mentale en entreprise ne soit pas qu’un sujet de communication, il est parfois nécessaire d’aller plus loin et de repenser l’organisation du travail. 2025 pourrait être une année charnière si ces engagements sont suivis d’actions concrètes !
> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Santé mentale des salariés en 2025 : quels constats ? quels leviers ?, 3 questions à… Laurent Tertrais, Secrétaire national CFDT Cadres, Métiers du care : comment le sens au travail préserve la santé mentale