
Egalité F/H : Repenser les choix professionnels au-delà des stéréotypes
Les stéréotypes de genre, encore présents dans notre société, peuvent influencer les choix professionnels et impacter les opportunités et l’épanouissement des travailleurs et des travailleuses. Ces préjugés sociaux peuvent jouer un rôle dans la reconnaissance des compétences, la valorisation des métiers et l’évolution des carrières. Pour parvenir à une égalité réelle, il est essentiel de casser ces préjugés afin de permettre à chacun de s’épanouir dans le domaine de son choix, indépendamment de son genre.
Métiers « féminins » et « masculins » : le genre au travail ?
Historiquement, de nombreux métiers ont été associés à un genre en raison de perceptions sociales ancrées. Certains métiers sont ainsi dits « féminins », comme ceux liés aux soins, à l’éducation ou à la petite enfance, en raison de stéréotypes qui les assimilent à des compétences présumées “naturelles”. Ceux que l’on qualifie de scientifiques et techniques ont quant à eux souvent été associés aux hommes. Cette division s’est traduite par une hiérarchisation des professions, qui a parfois conduit à des inégalités dans la reconnaissance des rôles et des responsabilités.
Et cette répartition des métiers par genre a un impact sur les deux sexes. Si les femmes ont longtemps été sous-représentées dans les domaines techniques et scientifiques, les hommes, eux, peuvent également rencontrer des obstacles lorsqu’ils choisissent des professions traditionnellement associées aux femmes. Dans les métiers du soin, de la petite enfance, ou encore du secrétariat, les hommes peuvent se heurter à des préjugés qui remettent en cause leur virilité ou les stigmatisent socialement, comme le souligne Marie Buscatto, sociologue du genre. Un exemple notable pourrait être celui des danseurs de ballet, encore moqués, comme le confie Hugo Marchand, danseur étoile à l’Opéra de Paris. Ces stéréotypes peuvent limiter les choix professionnels des hommes, en les poussant à éviter certains métiers perçus comme moins « masculins ».
De plus, lorsque des femmes réussissent à s’imposer dans des métiers traditionnellement masculins, comme l’ingénierie ou la mécanique, il est parfois observé que la féminisation du métier entraîne une perception de perte de prestige et de valeur, un phénomène appelé la théorie de la pollution. Il est alors pertinent de remettre en question ces stéréotypes pour promouvoir une plus grande mixité dans tous les secteurs, tout en valorisant les métiers jugés « féminins ». De même, les hommes doivent avoir la liberté de s’orienter vers des métiers souvent perçus comme « féminins » sans que cela ne constitue un frein à leur développement professionnel et social.
Entre progrès et défis : quelles réalités aujourd’hui ?
Selon l’édition 2024 de l’enquête Emploi par l’INSEE et la DARES, 14,0 millions d’emplois sont occupés par des femmes, et 14,6 millions par des hommes. Mais pourtant, en 2022, 8 salariés sur 10 exerçaient un métier non mixte (c’est à dire qui ne compte pas entre 40 et 60% d’hommes et de femmes), selon l’édition 2023 du bilan AFPA. Par exemple, plus de 80% des emplois numériques français sont occupés par des hommes. Les femmes, quant à elles, constituent 98,5% des professionnels de la petite enfance et 97,4% des sages-femmes en France.
Ces disparités ne se limitent pas à la parité/mixité dans certains métiers, mais s’étendent également aux opportunités offertes aux individus en fonction de leur genre. Par exemple, malgré la féminisation progressive de certains secteurs, comme l’industrie ou le bâtiment, les femmes continuent d’y rencontrer des obstacles pour accéder à des postes à responsabilité ou de direction. Il est important de rappeler sur ce sujet que les femmes n’ont pas toujours eu accès aux formations qui leur auraient permis d’accéder à ces postes. Ce retard historique ne peut être comblé du jour au lendemain. À l’inverse, les hommes semblent être davantage valorisés et monter plus vite en hiérarchie lorsqu’ils occupent des métiers dits ‘féminins’, et notamment en maïeutique, d’après l’analyse de la sociologue Alice Olivier dans son ouvrage Se distinguer des femmes : Sociologie des hommes en formations “féminines” de l’enseignement supérieur.
Pour autant, il convient également de prendre en compte les réalités physiologiques et ergonomiques des métiers, au-delà des stéréotypes, car ces facteurs ne sont pas à négliger. Il est vrai que les hommes peuvent avoir une plus grande facilité à assumer des tâches impliquant le port de charges lourdes. Les femmes quant à elles, qui ont tendance à avoir davantage de capacités d’écoute, d’empathie, se tournent naturellement vers les métiers du soin et de l’éducation. Cependant, cette différence ne doit pas être perçue comme une barrière. Les avancées technologiques récentes (exosquelettes, robots porteurs de charges, etc) ont par exemple permis d’alléger cette contrainte, rendant de nombreux métiers plus accessibles à toutes et tous. Il est important maintenant de contribuer à cette ouverture pour tous les métiers, d’autant plus que la plupart des emplois qui seront automatisés et remplacés par l’IA seront ceux dans lesquels une majorité de femmes travaillent, et notamment celui de secrétaire.
Encourager des choix professionnels libres dès l’enfance
L’égalité ne doit pas attendre le monde du travail pour être une réalité ; elle commence dès l’enfance. Les parents ont d’ailleurs un rôle essentiel dans l’accompagnement des choix d’orientation de leurs enfants, d’autant plus qu’1/3 des jeunes leur font prioritairement confiance pour effectuer leurs choix d’orientation. Toutefois, il existe un paradoxe entre la hausse des diplômes féminins et la persistance des inégalités professionnelles. Pour que l’égalité devienne une réalité, il est essentiel d’aller au-delà de la scolarisation des filles et de mettre en place des actions concrètes à tous les niveaux, jusqu’au monde professionnel.
Les entreprises ont donc un rôle essentiel à jouer, mais il ne s’agit pas uniquement de recruter des femmes à des postes à haute responsabilité pour satisfaire des quotas. Elles doivent s’assurer que la mixité repose sur une véritable égalité des chances. En France, des obligations légales en matière d’égalité professionnelle sont déjà mises en place. Cependant, il est important d’aller au delà de ces exigeances en prenant des mesures pour favoriser un environnement de travail inclusif et non discriminant, où les compétences sont valorisées avant tout, sans distinction de sexe. Cela passe par des actions telles que la sensibilisation des collaborateurs, la formation des managers sur les enjeux de l’égalité professionnelle, l’accompagnement des victimes de discriminations, ou encore l’assurance que les processus de recrutement soient équitables et exempts de préjugés.
La solution réside dans la liberté de choix : chacun doit pouvoir exercer la profession de son choix sans être limité par son genre ou les stéréotypes qui y sont rattachés. Plutôt que de vouloir effacer les différences dans les orientations professionnelles, il convient par exemple de régler les inégalités salariales et de revaloriser les métiers dits “féminins” au travers d’augmentations de salaires et d’une sensibilisation à l’importance et à la valeur de tous les métiers, quels qu’ils soient. On ne doit donc pas choisir un métier pour plaire ou se conformer à la société, mais parce qu’on s’y épanouit.
L’égalité entre les femmes et les hommes au travail doit se faire dans tous les secteurs. Si l’on souhaite davantage de femmes dans les métiers “masculins”, il est tout aussi essentiel de penser à l’intégration des hommes dans les professions traditionnellement féminines. En permettant à chacun de choisir librement sa carrière, et en reconnaissant les talents indépendamment du genre, nous pouvons construire une société où les professions sont accessibles à toutes et tous. Promouvoir des modèles inspirants dans tous les secteurs, qu’ils soient « féminins » ou « masculins », et soutenir l’égalité des chances, permettra de favoriser des parcours professionnels diversifiés et épanouissants, pour les hommes comme pour les femmes.
> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Entreprendre au féminin : quels défis en 2025 ?, 3 questions à… Marie Eloy, présidente de Bouge ta Boite, et Bénédicte Sanson, co-fondatrice du Moovjee,