
3 questions à… Bérangère Couillard, Présidente du Haut Conseil à l’Égalité
Bérangère Couillard est Présidente du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes. Elle répond aux 3 questions de la Fondation Travailler autrement sur l’égalité entre les hommes et les femmes au travail.
Cinq ans après la mise en place de l’index de l’égalité professionnelle, quels impacts concrets sont observés sur la société et dans les entreprises ? Quels en sont les principaux résultats et quelles mesures ont été mises en place pour aller plus loin ?
Le Haut Conseil à l’Égalité a publié un rapport en 2024, 5 ans après la mise en place de l’Index Egalité professionnelle pour en faire son bilan. Nous avons constaté que :
- Seulement 1 % des entreprises ont été assujetties à l’Index en 2023 (représentant en 2020 environ 26% des salarié·es de France, c’est-à-dire 6,6 millions de personnes).
- Le score moyen était de 88/100 en 2023, alors que le score était inférieur à 75/100 pour 7,6 % des 35 000 entreprises assujetties.
- Peu de sanctions ont été prononcées : seulement 42 pénalités pour une note inférieure à 75/100 ou pour non déclaration.
L’Index a permis une mise en lumière des inégalités salariales et représente un 1er pas vers la transparence salariale, avec une méthode commune permettant la comparaison, dans un format lisible et accessible, et l’apparition d’un « effet label » qui rend visible l’action positive des entreprises.
Mais son périmètre est trop restreint et la méthodologie choisie aboutit à une neutralisation des temps partiels et une mise à l’écart de certains éléments de rémunération variable. Nous avons constaté également une absence de la prise en compte de la proportion des femmes parmi les plus bas salaires et une possible exclusion de certains effectifs de l’entreprise dans le calcul. Enfin, l’« effet label » cité plus tôt est à double tranchant : une bonne note à l’Index peut parfois désengager l’entreprise.
Si l’Index doit évoluer prochainement à la faveur de la transposition de la directive européenne sur la transparence des salaires, le HCE a formulé plusieurs propositions pour améliorer cet Index. Nous avons notamment proposé de maintenir un outil de mesure multifactoriel des inégalités salariales et conserver une méthode universelle pour toute entreprise assujettie, intégrer l’ensemble des éléments variables de la rémunération, uniformiser les périodes de références et comparer des emplois de « valeur égale », ou encore recentrer la communication des pouvoirs publics sur les résultats de l’index en indiquant les progrès qui restent à réaliser, en rappelant notamment que l’objectif est d’atteindre la note de 100.
En quoi l’école et la formation professionnelle jouent-elles un rôle clé pour permettre aux femmes de briser le plafond de verre ? Quels autres leviers peuvent compléter cette approche ?
Le Haut Conseil à l’Égalité, que je préside, s’est penché sur cette question dans de nombreux rapports et en particulier dans le dernier Rapport annuel sur l’état du sexisme en France. Le sexisme dans le monde professionnel est toujours le principal domaine où les Français considèrent qu’il y a des inégalités.
Avec des différences notables de perception entre les femmes et les hommes. Selon notre baromètre, 83 % des femmes et 76 % des Français en général considèrent que les femmes et les hommes n’y sont pas traité de la même manière. En 2025, encore, les femmes n’occupent pas le même type d’emploi, ne travaillent pas dans les mêmes secteurs que les hommes, accèdent moins aux postes les plus rémunérateurs, et occupent près de 80 % des emplois à temps partiel.
L’une de nos conclusions, c’est que l’éducation était l’un des piliers de ce sexisme persistant, et qu’il fallait agir de toute urgence. Le Haut Conseil à l’Egalité appelle depuis de nombreuses années à l’adoption d’un programme d’éducation à l’égalité adapté à toutes les classes d’âge, tel que celui adopté en janvier 2025 par le Conseil supérieur de l’éducation.
Ces cours à la vie affective, relationnelle et sexuelle, dits EVARS, permettront évidemment de sensibiliser les enfants et les adolescents à la connaissance de leur corps et au respect du corps de l’autre. Mais surtout, ils permettront de déconstruire les stéréotypes et les normes sociales inégalitaires qui favorisent ce sexisme. Ces biais sexistes polluent l’esprit des jeunes filles et affectent très négativement leur orientation professionnelle, parfois dès le collège, mais en particulier au lycée.
C’est ce qui fait, en partie, qu’elles se tournent par exemple moins vers des filières scientifiques et technologiques, ou encore dans les domaines du numérique. Elles ont souvent, durant leur scolarité, étudié les travaux et les théories de nombreux chercheurs et scientifiques. Mais ce sont surtout des hommes qui sont mis en avant durant toute leur scolarité, ce qui renforce la nécessité de mettre en avant des rôles modèles féminins, dans tous les secteurs professionnels. Dans un certain nombre de secteurs, nous proposons de mettre en place des quotas de filles, comme dans les filières de l’informatique et du numérique par exemple. Nous proposons également l’adoption d’un plan national d’orientation professionnelle dès le collège pour orienter les jeunes filles vers les métiers à prédominance masculine, qui sont aujourd’hui les métiers les plus rémunérateurs.
Certains secteurs d’activité ont-ils mis en place des bonnes pratiques en matière d’égalité professionnelle qui pourraient être mises en lumière ? Certaines sont-elles transposables à d’autres secteurs ?
De nombreux secteurs professionnels ont fait un énorme travail ces derniers années pour attirer davantage les talents féminins, indispensables pour la réussite des entreprises. Je pense notamment au secteur du bâtiment, dont les entreprises en lien avec les écoles et lycées professionnels sont incitées dans de très nombreux territoires à faire évoluer leurs pratiques de recrutement et leur intégration des profils féminins, avec des résultats aujourd’hui encourageants.
Je pense également au secteur de la tech, pour lequel le Gouvernement a déployé le programme « Tech pour toutes », qui prendra la forme d’un accompagnement individuel par du mentorat, d’un accompagnement collectif, ou encore d’un accompagnement matériel et financier. Il a pour objectif de faire de la technologie un secteur pleinement égalitaire entre les femmes et les hommes, avec un programme ayant pour objectif d’accompagner 10 000 jeunes femmes d’ici 2026.
Dans tous les secteurs, les professionnels doivent se poser la question de l’attrait de leurs métiers auprès des femmes et de leur manière de recruter les femmes, de les intégrer pleinement dans la construction de l’entreprise, et de leur donner les mêmes opportunités qu’aux hommes, avec les mêmes rémunérations.
> Bérangère Couillard a été nommée présidente du Haut Conseil à l’Egalité en Juillet 2024.
Elle a été entre Juin 2017 et Juin 2024 la députée de la 7ème Circonscription de Gironde. Elle est la co-auteure et rapporteure de la proposition de loi de protection des victimes de violences conjugales définitivement adoptée en Juillet 2020. Elle a également assuré la mission de rapporteure de la Loi d’Orientation des Mobilités, loi majeure du quinquennat qui vise à moderniser nos transports et à les rendre plus propres et plus durables.
En parallèle, elle a été désignée porte-parole du groupe La République en Marche à l’Assemblée nationale. Elle fut également membre de la commission Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (DDAT), membre de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, (présidente du groupe d’étude Entrepreneuriat au féminin) et référente Égalité Femmes-Hommes au sein du mouvement de La République En Marche.
Elle a été désignée Relai Égalité femmes-hommes pour la campagne du Président de la République et elle a rédigé et travaillé les propositions du candidat Emmanuel Macron sur ce sujet.
Elle a été nommée Secrétaire d’Etat à l’Ecologie en Juillet 2022, puis Ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes et à la Lutte contre les discriminations en Juillet 2023.
> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement : Egalité femmes/hommes : quelles solutions de l’école à l’entreprise ?, Egalité F/H : Repenser les choix professionnels au-delà des stéréotypes, Entreprendre au féminin : quels défis en 2025 ?