
Baromètre des Territoires 2025 : que veulent les Français ?
Après « France en morceaux » (2019) et « France en convalescence » (2021), Elabe, l’Institut Montaigne et le Groupe SNCF, ont présenté leur troisième baromètre “France désemparée, en quête de tranquillité”. Cette étude dresse un portrait détaillé des Français et de leurs préoccupations, entre nouvelles inquiétudes sociales, changements dans les modes de vie et stratégies d’adaptation, face à une époque marquée par l’accumulation de crises multiples, mais à un attachement à la France qui perdure. Voici notre analyse de la conférence, que nous avons vue pour vous.
Une société marquée par le déclassement social et un avenir incertain
Le baromètre dessine une France profondément inquiète de son avenir, la majorité de la population exprimant des préoccupations concernant la situation économique et leur pouvoir d’achat. Ainsi, 54 % des Français redoutent que la baisse du pouvoir d’achat les contraigne à modifier leur mode de vie, affectant non seulement les dépenses de loisirs et de vacances, mais aussi et surtout les dépenses essentielles telles que l’alimentation et le logement. Le poids de la précarité se fait lourdement sentir, jusqu’à l’accès aux soins avec 31 % d’entre eux qui sont forcés de les retarder ou d’y renoncer complètement. Le Président de l’Institut Elabe, Bernard Sananès, a souligné que “non, ce n’est pas parce que des Français partent en vacances qu’ils vivent la “belle vie”, car souvent, pour s’offrir un court moment de répit, les foyers sont forcés de se restreindre toute l’année”. Ce sentiment est renforcé par un constat plus général : 52 % estiment que la France n’est plus une puissance économique, et 64 % jugent que le pays est en déclin. Ces chiffres témoignent donc d’une perception de vulnérabilité de la population, non seulement au niveau individuel, mais également au niveau national.
La conférence a souligné également la présence de fractures géographiques profondes qui agissent comme des amplificateurs des crises sociales et économiques. La question de la mobilité est un exemple frappant de ces inégalités territoriales. Ainsi, alors que 69 % des habitants de la région parisienne peuvent privilégier le train plutôt que la voiture pour leurs déplacements quotidiens, seulement 39 % des ruraux peuvent en faire autant. Cette fracture en matière de mobilité a également une influence sur l’accès à l’emploi.
En outre, le « déclassement social », décrit dans la conférence, qui dépasse désormais les seules classes populaires pour toucher même les classes plus aisées, révèle un sentiment de peur et de malaise collectif qui touche toutes les sphères et catégories de la société. Un tel contexte alimente la difficulté des Français à se projeter dans l’avenir, que 80 % d’entre eux expriment. Cette angoisse et cette incertitude collective face à l’avenir et aux multiples défis du quotidien est d’autant plus présente à une époque où les crises s’enchaînent : sanitaire, géopolitique, économique et climatique… Une « polycrise » présentée durant la conférence, qui renforce le sentiment d’instabilité et d’impuissance des citoyens, pour qui “l’après-demain n’existe plus” (Laurence Bedeau, associée Elabe).
Face aux défis environnementaux et sociaux : désarroi et inquiétude des Français
Le climat d’incertitude est également alimenté par des craintes écologiques. En effet, 51 % des Français redoutent que les dérèglements climatiques aggravent leurs conditions de vie. Toutefois, Bernard Sananès a mis en évidence un paradoxe : si 52 % pensent qu’il faut agir pour faire face à ces défis, une partie d’entre eux (18%) se sentent incapables de le faire et en font un rejet total, soit par manque de ressources, soit par absence de solutions claires, de “mode d’emploi”. Ce sentiment d’impossibilité à agir est par ailleurs vécu comme une injustice par 40 % de la population. Cette tension entre l’urgence perçue et la difficulté à agir témoigne de l’épuisement d’une grande partie des citoyens face aux défis imposés par ces crises multiples.
Un autre facteur d’angoisse majeur réside : environ 46 % des Français ont peur d’être victimes d’agressions physiques, tandis que 59 % des parents craignent que leurs enfants soient confrontés à du harcèlement scolaire ou à des agressions. Ce sentiment d’insécurité est renforcé par un recul de la confiance envers l’autorité, notamment de celle de la police et des élus, avec 75 % qui jugent qu’il existe un climat d’injustice dans le pays. Cette insécurité sociale alimente un sentiment d’abandon institutionnel, où les autorités, pourtant censées protéger, semblent de plus en plus perçues comme inaptes face aux enjeux du quotidien. Laurence Bedeau a alors dépeint “une France qui apparaît impuissante à maîtriser son destin”.
Une quête de tranquillité et de stabilité
Face à un avenir incertain, 79 % des citoyens privilégient une vie calme, loin des tensions et des incertitudes du quotidien. Concernant le travail, alors que les études récentes montrent en masse que la tendance, notamment chez les jeunes, est de fuir le CDI pour plus de flexibilité, les résultats du baromètre montrent l’inverse, avec une recherche de sérénité qui se poursuit jusqu’au choix des contrats de travail : 81 % préfèrent la sécurité d’un CDI plutôt que des contrats courts comme le CDD ou les missions d’intérim. Ce besoin est également perceptible dans la sphère personnelle, puisque 87 % jugent que la vie familiale est primordiale pour leur bien-être, suivie de près par la vie sociale. Ainsi, de plus en plus de Français semblent privilégier un cercle d’amis restreint, plutôt que d’être entourés de beaucoup de monde.
Cette quête de tranquillité va de pair avec un fort attachement à la solidarité érigée en valeur refuge, qui demeure un principe fondamental pour une majorité de la population. Environ 90 % d’entre eux estiment nécessaire de maintenir le système de solidarité tel quel, qu’il s’agisse de la santé, des retraites, des dépendances ou des risques liés aux catastrophes naturelles. Et bien que 30 % à 42 % craignent que la France ne dispose plus des ressources nécessaires pour continuer à le garantir, l’étude a mis en avant que c’est une des choses qui rendaient fier d’être Français. En effet, 80% des sondés font une déclaration d’amour à la France, qualifiée de “grand pays de la culture” ou encore de “pays le plus beau du monde”.
Mais il serait faux de croire que les Français ont abandonné et choisi le repli. Dans cette “France désemparée”, Marie-Pierre de BAILLIENCOURT, Directrice Générale de l’Institut Montaigne, a témoigné que les citoyens veulent assurément un avenir meilleur, et un “nouveau souffle”, dans ce pays qui possède une créativité, une qualité de formation, une solidarité, et des infrastructures qui sont applaudies de tous. Elle a alors déclaré que ce baromètre nous oblige au débat et à l’action, avec notamment un rôle clé des entreprises, “valeur ajoutée dans le paysage français”, qui possèdent encore la confiance de la société.
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