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Article de revue – Quelles sont les valeurs des Français ? (Bréchon, 2016)

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Face aux mutations structurelles de l’économie, du marché de l’emploi et du phénomène de digitalisation de la société, les valeurs des Français, pris à la fois dans leur figure de citoyens et de travailleurs, ont elles évolué ? Une enquête longitudinale d’envergure européenne en esquisse les tendances dominantes.

Dans le cadre du Grand Dossier des Sciences Humaines de ce trimestre (septembre-octobre-novembre 2016, n°44), consacré aux « Métamorphoses de la société française », Pierre Bréchon, professeur émérite de sciences politiques (IEP-Grenoble), fait le point sur les tendances en termes de valeurs que les Français partagent à l’ère des grands changements que la société contemporaine connaît (crise de l’emploi, digitalisation du monde et des rapports sociaux, mondialisation, etc.).

Soulignons d’abord que les valeurs, à la différence des opinions, sont plutôt stables dans le temps. Par conséquent, les caractéristiques spécifiques d’un pays en termes de valeurs constituent des éléments fiables et valides, mobilisables sur le long terme. Du point de vue des acteurs qui le compose : « ce que chacun valorise est le fruit de son éducation et des expériences accumulées ». Ainsi, Pierre Bréchon insiste-t-il sur la dimension biographique et expérientielle de la définition de nos valeurs.

Grandes tendances

Au fil du temps, au gré des événements vécus, un réagencement des valeurs peut avoir lieu, lentement, en filigrane de l’expérience du bain social dans lequel chacun évolue. À partir de l’enquête longitudinale à dimension européenne (EVS), réitérée tous les 9 ans, le professeur émérite en sciences politiques analyse les grandes tendances attitudinales des français, comparées à celles des citoyens représentant les pays voisins.

L’une des tendances les plus fortes consiste en la valorisation de l’autonomie individuelle : cette montée de l’individualisation s’illustre par la volonté d’être libre dans ses choix de vie, en faisant fi des prescriptions morales (qu’elles soient issues de l’État, de la religion, ou encore de la famille). Sur cette facette de progression de l’individualisation, les valeurs des français semblent converger vers celles des pays scandinaves. D’après Pierre Bréchon, les français plébiscitent le fait de pouvoir expérimenter les choses par eux-mêmes, en relativisant toute forme de prêt-à-penser.

Dans un tel contexte, les individus développent un sentiment de maîtrise sur leur propre vie. Teintée d’optimisme, cette grille de lecture se rapportant à la guidance de leur propre trajectoire les mobilise de manière proactive : « Même lorsqu’ils vivent dans une certaine précarité, ils s’adaptent et réussissent à s’en sortir à peu près, à travers leur réseau ». Cette facette de liberté de choix apparaît comme vecteur de satisfaction, d’après l’étude EVS.

Utilité sociale

Bien entendu, l’individualisation n’est pas à rapprocher de l’individualisme : l’auteur précise que « l’on peut vouloir être autonomes et faire des choix humanistes et solidaires ! ». Vis-à-vis de la sphère professionnelle, l’individualisation répond de la quête de réaliser un travail utile socialement, qui fasse sens avec la vie de celui qui le réalise et qui résonne de manière pertinente avec les mouvances sociales. La valeur travail reste un trait particulièrement saillant caractérisant la société française, contrastant avec les pays de l’Europe du Nord qui valorisent plutôt la sphère des loisirs en tant qu’espace d’épanouissement.

Sur le marché de l’emploi, les français se montrent ouverts et favorables à l’entrepreneuriat. Cette perspective, qui fait directement écho à l’individualisation, s’accompagne toutefois d’une volonté de plus grande égalité et de tolérance entre citoyens, sans oublier la conservation des acquis sociaux (ce qui, pour Pierre Bréchon, explique leur récusation massive de la Loi El Khomri).

Aux côtés de ces aspects liés à l’individualisation, un regard particulièrement pessimiste semble être porté par les français sur le fonctionnement de la société, la sphère politique et la méfiance envers autrui. Cette forme de « pessimisme sociétal » peut générer des effets délétères, notamment sur les espaces collectifs de co-construction du sens, instruments de dialogue social et d’innovation.

> Pour consulter ou télécharger le document : http://www.scienceshumaines.com/quelles-sont-les-valeurs-des-francais_fr_36723.html

Mais aussi sur le site de la Fondation Travailler autrement:
« La France qui vient » : une France de l’innovation technologique et de l’entrepreneuriat

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