Quatre scenarii possibles pour l’avenir du travail indépendant
L’observatoire Alptis s’est associé à Futuribles pour engager un travail prospectif afin d’imaginer les contours du travail indépendant dans la France de 2030. Les auteurs de cette étude partent du constat des différentes révolutions à l’œuvre – sociétale, technologique et éthique -, pour analyser les changements du marché du travail.
Le travail indépendant en chiffres
Les auteurs de l’étude sont partis d’une question simple : serons-nous tous travailleurs indépendants demain ? Pour répondre à cette question préalable, l’Observatoire donne plusieurs chiffres :
- Le nombre de travailleurs indépendants a augmenté de 25 % depuis 2003, soit 10 fois plus que la population salariée ;
- L’emploi indépendant représente 11,5 % de l’emploi aujourd’hui en France ;
- Selon Jacques Bathélémy et Gilbert Cette, si le travail indépendant poursuit sa progression, il ne représenterait qu’environ 13 % de l’emploi en France en 2030 ;
- Le travail indépendant a fortement diminué en France puis 40 ans, passant de 4,5 millions de travailleurs en 1970 à 2,98 millions en 2015.
Ainsi, même si la suprématie du CDI temps plein est remise en cause par le CDD, l’intérim ou l’auto-entrepreneuriat, le poids du travail indépendant n’a jamais été aussi faible en France et son essor reste relatif. En revanche, on assiste à une forte augmentation du travail indépendant dans les services (+ 25 % entre 2009 et 2015) et à un essor de la pluriactivité, ou slashing, qui concernait plus de 6,6 % des non-salariés en 2014 contre 4,9 en 2007.
Croissance du travail indépendant, pourquoi ?
L’étude souligne six évolutions qui pourraient expliquer l’essor du travail indépendant en France.
- Les évolutions législatives et en premier lieu la création du statut d’auto-entrepreneurs en 2008 (même si les auteurs soulignent que depuis, la Loi Pinel de 2014 et le PLFSS de 2016, ont rendu ce dispositif moins attractif) ;
- La précarisation et la dualisation du marché du travail : « D’un côté, il y a donc les salariés en CDI et de l’autre, les travailleurs qui supportent la flexibilité ». Pour étayer leurs arguments, les auteurs donnent l’exemple des CDD : 85% des nouvelles embauches se font en CDD et 1 CDD sur 5 débouchent sur une embauche. De plus, le taux de chômage augmente ;
- Même si ce n’est pas la question des revenus qui arrive en tête des motivations des travailleurs mais la valeur travail, avoir une activité secondaire peut donc devenir indispensable pour certains salariés, mais aussi pour des étudiants ou des retraités, pour qui le statut d’indépendant constituerait un bon moyen de compléter leurs revenus ;
- Les entreprises externalisent de plus en plus et contractualisent donc de plus en plus avec les travailleurs indépendants qui répondent parfois mieux à leur besoin de souplesse ;
- Les plateformes collaboratives apparaissent comme un moyen pour les travailleurs indépendants d’accéder à un marché rapidement et facilement ;
- Les attentes des salariés et du management diffèrent de plus en plus, les salariés désirent plus d’autonomie et ils considèrent que l’entreprise a trop de strates hiérarchiques.
Quelle sera la place du travail indépendant dans 15 ans ?
C’est à cette question qu’a tenté de répondre l’Observatoire Alptis, en imaginant plusieurs scénarii pour les années à venir.
Les quatre situations imaginées sont les suivantes :
– L’entrepreneur roi, salarié prolétaire
Le travail indépendant se développera fortement et permettra de bénéficier de nombreux avantages. Pour autant, il sera nécessaire d’être qualifié pour véritablement s’y épanouir.
– L’indépendance subie résultant d’un marché du travail assoupli
Cela entraînera un fort développement du travail indépendant, mais aussi de la précarité pour les personnes peu qualifiées. La protection sociale sera minimale et l’accès aux soins limité.
– Tous entrepreneurs nomades et un nouveau contrat de travail basé sur la réalisation de missions
Les statuts de salarié et d’indépendant resteront deux statuts distincts. La réglementation sera par ailleurs considérablement assouplie et le télétravail généralisé. Les niveaux de rémunération dépendront de notre degré de qualification, ce qui entraînera un développement des inégalités sociales.
– À chacun son organisation du travail
Ceci permettra de cumuler des missions en freelance et une activité de salarié. L’économie à la demande se développera fortement, de même que la pluri-activité, ce qui aboutira à une plus grande charge du travail pour chacun.
« Ces quatre scénarii qui ne sont pas totalement incompatibles visent à donner à voir certaines transformations possibles et leurs impacts sur le travail indépendant. »
> Pour en savoir plus, téléchargez l’étude sur le site de l’Observatoire Alptis
> A lire également sur le site de la Fondation Travailler autrement :
Étude – Les travailleurs indépendants : identités, perceptions, besoins