Éditorial : De la métamorphose du travail
En avance de phase par rapport aux politiques publiques en place, les tiers lieux s’illustrent surtout comme des acteurs structurant l’avenir de notre paysage économique et social. Ils redéfinissent notre rapport au travail, ils participent à sa métamorphose. Ce phénomène est le résultat de plusieurs impulsions.
Tout d’abord l’impulsion naturelle de la société. Nous sommes passés d’un monde de plein-emploi à un monde dans lequel les jeunes actifs ont vu leurs parents et parfois même, leurs grands-parents vivre une période de chômage. Nous entrons dans un monde où les actifs ont besoin de sens dans leur travail, ils ont besoin d’équilibre dans leur vie et aspirent à inventer. Le travail change de nature car les citoyens se prennent en main et n’attendent plus de l’entreprise, ni de la puissance publique qu’ils fassent à leur place.
L’impulsion numérique ensuite. C’est une étape décisive puisqu’on le sait bien : désormais, sans numérique, il n’y a pas d’activité. Hier, les actifs avaient besoin d’aller vers le travail, c’est-à-dire vers la ville qui concentrait logiquement industries et services ainsi que la majorité des emplois correspondants. L’explosion de l’équation fordiste temps-lieu-action liée aux nouvelles infrastructures numériques a permis d’emporter le travail qui pourra de plus en plus être effectué n’importe où et notamment là où les salariés sont installés.
La métamorphose du travail passe enfin par l’émergence de nouveaux métiers et de nouvelles hybridations dans la façon même de travailler. Makers, fabmanagers, facilitateurs, happiness ou scrum managers, développeurs, superconnecteurs, télétravailleurs… ils sont aujourd’hui les explorateurs des révolutions du travail et les inventeurs des métiers de demain. S’ils s’expriment et existent avant tout dans les tiers lieux, il ne faut pas négliger leur capacité à irriguer et à infuser de nouvelles cultures du et au travail dans les entreprises environnantes (PME, artisans, associations, ETI, grandes entreprises…).
Par le numérique, les nouvelles aspirations des actifs et l’émergence de nouvelles collaborations, la mue du travail peut s’accomplir, et notamment dans ces espaces innovants que sont les tiers lieux.
Patrick Levy-Waitz, Président de la Fondation Travailler autrement
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