Les syndicats s’engagent pour la protection des travailleurs indépendants (CES, 2019)
Ce rapport présente les résultats d’une étude comparative européenne portant sur la représentativité syndicale des indépendants. En plus de constituer un état des lieux de leur situation en termes de besoins (protection sociale, négociation collective), ce document de recherche formule des priorités visant à mieux protéger ces travailleurs atypiques.
Mieux représenter et protéger les travailleurs investis dans des nouvelles formes d’emploi
Lors d’un congrès qui s’est tenu en 2015 à Paris, la Confédération Européenne des syndicats (CES) s’était engagée à mieux représenter et protéger les travailleurs investis dans des nouvelles formes d’emploi. Depuis, quatre ans se sont écoulés, au cours desquels la CES a consacré ses efforts pour tenir cet engagement. Une étude comparative a ainsi été réalisée auprès de 12 états de l’UE, faisant le point sur l’accès à la protection sociale et les modalités d’intégration auprès de partenaires sociaux pour cette catégorie de travailleurs, encore aujourd’hui, en mal de représentativité collective.
Le rapport fait le point sur les modalités d’accès à la protection sociale pour les indépendants, et montre que les soins de santé représentent le type de prestation la plus souvent assurée pour cette population, contrairement à l’assurance-chômage. Il démontre notamment l’insuffisance de protection dans les situations d’accidents du travail, de maladie et de maternité / paternité. Une autre différence majeure distinguant les salariés des travailleurs indépendants, concerne les conditions de travail (accès à un salaire minimum, à la formation, à des primes de vacances et de fin d’année…).
Faire converger l’accès aux droits des indépendants avec ceux des salariés
Peu à peu, les syndicats semblent se mobiliser pour faire converger l’accès aux droits des indépendants avec ceux des salariés, particulièrement en ce qui concerne la protection sociale. Le travail indépendant « forcé », ou la dépendance économique, constitue une préoccupation majeure pour les syndicats. Plus de la moitié des organisations syndicales ayant participé à l’étude ont intenté une action en justice contre les formes de « salariat déguisé ». Cependant, force est de constater que de nombreux obstacles persistent à la représentativité des travailleurs indépendants.
Pour la majorité des pays, les freins à la représentation collective des travailleurs indépendants ne sont pas à chercher du côté juridique. Ce sont plutôt les règles internes aux organisations syndicales et leurs attitudes vis-à-vis des statuts d’emplois atypiques qui justifient les réticences. Pourtant, la digitalisation du monde du travail, aux côtés de l’émergence des nouvelles formes d’emploi, amènent les syndicats à revoir leur position à l’égard des travailleurs indépendants. L’un des principaux freins jusqu’alors reposait sur le rapport de concurrence avec les dirigeants d’entreprise (syndicats de salariés vs syndicats patronaux) : or, la posture comme la représentation des travailleurs indépendants se distinguent nettement de celle des entrepreneurs (nous l’avons d’ailleurs démontré ici). Pour les syndicats, un questionnement se pose pour les indépendants employant des salariés.
La plupart des états interrogés dans le cadre de l’étude comptent au moins un syndicat au sein duquel un nombre importants d’indépendants sont représentés. La négociation collective et la représentativité de ces travailleurs s’expliquent bien souvent par le rattachement à une branche professionnelle particulière ou par la volonté de protéger les travailleurs d’une certaine dépendance économique. Plus précisément, l’on retrouve, aux côtés des syndicats traditionnels intégrant peu à peu les indépendants pour suivre l’évolution du marché du travail (ex : IG Metall en Allemagne, CFDT et CGT en France, CCOO en Espagne, Unite au Royaume-Uni), des syndicats spécialisés dans certaines branches d’activité (journalistes, techniciens du spectacle, interprètes, architectes, professions médicales…), des syndicats défendant les travailleurs considérés dans une situation de précarité (intérimaires, travailleurs temporaires, contrats atypiques…), et enfin des syndicats dédiés exclusivement aux travailleurs indépendants (UGT en Espagne, FNV aux Pays-Bas, ou encore CISL en Italie).
Les syndicats en question fournissent un certain nombre de services aux indépendants, tels que des missions de conseils (qu’ils soient d’ordre juridiques, fiscaux, administratifs, commerciaux ou encore comptables), de formation (à l’entrepreneuriat notamment), et d’informations (sur le secteur d’activité, l’évolution du marché, l’évaluation des plateformes). L’adhésion propose aussi des avantages en termes de réduction de tarifs sur différents produits et services, mais encore des espaces de partage d’expériences.
Quelles priorités au sortir du congrès ?
Au sortir de cette étude, la CES décline plusieurs priorités pour remplir son engagement auprès des travailleurs indépendants. Tout d’abord, l’édification d’un socle juridique commun à tous les états de l’UE qui contribuerait à améliorer la situation globale des indépendants (puisque, jusqu’à présent, la situation juridique à l’égard de ces travailleurs est différente dans chaque pays). Ensuite, la lutte contre le « faux travail indépendant » qui reste une priorité majeure, notamment pour ses enjeux de concurrence au salariat par un effet de dumping. La modification du droit à la concurrence, véritable frein à la négociation collective pour les indépendants, fait également partie du cap envisagé par la CES. Enfin, le rapport revendique l’importance de continuer à organiser cette catégorie de travailleurs, en veillant à rééquilibrer équitablement les conditions de travail entre salariés et indépendants, et de promouvoir la négociation collective en leur faveur.
> Pour consulter ou télécharger le document
> Également à lire sur le site de la Fondation Travailler autrement, La protection sociale des travailleurs indépendants évolue et Réfuter les 60 idées fausses sur le dialogue social et les syndicats