Télétravail et tiers lieux
Le télétravail est-il utilisé de façon significative dans les collectivités territoriales et dans quelles conditions ? Les tiers-lieux peuvent-ils constituer un support à cette nouvelle façon de travailler ? C’est pour répondre à ces questions qu’une journée d’étude était organisée le 14 mars à Paris par la lettre du cadre territorial et animée par le cabinet CITICA, spécialiste du télétravail et des tiers lieux. De nombreux intervenants parmi lesquels Patrick Levy-Waitz de la fondation Travailler Autrement, Stéphane Capgras de Gaillac Graulhet Agglomération, Véronique Franck-Manfredo de la Ville de Paris ou Stéphanie Chassat de la Région Ile de France ont apportés des réponses à ces questions d’actualité.
Dès son introduction, Pascal Rassat du cabinet CITICA donne les chiffres d’une enquête en ligne proposée début 2019 et à laquelle ont répondu plus de 200 collectivités. Plus de de la moitié d’entre elles indiquent qu’elles sont engagées, soit dans une phase d’expérimentation du télétravail (35%) soit dans une phase d’extension (17%) de celui-ci. L’année 2018 semble être celle du véritable démarrage de télétravail avec environ 30% d’expérimentations. Le télétravail se fait essentiellement à domicile (71%) alors que seulement 12% le pratiquent dans une antenne déportée de la collectivité ou 10% en tiers lieux géré par un organisme public pour 9,8%. Néanmoins, 25% envisagent d’utiliser un tiers-lieu à moyen ou long terme.
Tiers lieux : un phénomène loin d’être marginal
Les tiers lieux constituent une réponse plus large à la seule question du télétravail. C’est ce que montre Patrick Levy-Waitz en présentant les conclusions de son rapport. Pour lui, la mission a permis de mettre en évidence quatre constats :
- Premier constat : Le phénomène des tiers lieux traduit une aspiration à travailler autrement. La mission avait démarré en faisant l’hypothèse que le développement des Tiers lieux était urbain et limité. Au final, la mission a recensé 1.800 tiers lieux se trouvant en proportion égale dans les territoires et en métropole. La montée en puissance des Tiers lieux traduit une volonté de travailler autrement.
- Le deuxième enseignement est que les entreprises ont quitté les territoires pour rejoindre les grandes agglomérations. La création des ZAC dans les villes moyennes n’a pas rempli sa mission de fixer de l’activité sur ces territoires. Ce sont les acteurs du territoire qui ont créés ces lieux hybrides
- Les Tiers lieux interrogent le rapport au pouvoir. Ces nouveaux lieux doivent être co-construit et faire l’objet d’une gouvernance partagée.
- En conclusion, comment décider qui fait quoi ? Il s’agit d’identifier les zones qui amènent les populations à se déplacer et ancrer les Fabriques du Territoires. Ces Fabriques auront pour mission d’accompagner le développement des tiers lieux et non de les créer. L’objectif est de favoriser l’intelligence collective entre les collectivités, de permettre la mise en réseau des Tiers lieux, de faire de l’hybridation privé / public. En ce sens, les intercommunalités semblent le bon échelon d’intervention.
On peut alors s’interroger sur l’impact du télétravail dans les organisations. Le témoignage de Stéphanie Chassat de la Région Ile de France est très éclairant sur ce point. A l’occasion du déménagement de son siège en périphérie parisienne, la Région a totalement modifié sa façon de travailler en construisant des locaux de type flex-office et en introduisant massivement le télétravail comme symbole d’une nouvelle façon de travailler. Les chiffres sont éloquents : 80% des fonctions sont déclarées télétravaillables et une expérimentation menée auprès de 214 agents conduit au déploiement du télétravail à grande échelle dès début 2018. Un programme de formation permet d’accompagner le déploiement du dispositif : 54% des télétravailleurs sont formés auxquels s’ajoutent près de 50% des encadrants car le management est fortement interrogé par cette nouvelle organisation du travail. Des valeurs sont mises en avant – confiance, responsabilité et sens du collectif – pour déboucher sur un nouveau type de management.
Tiers lieux, collectivités territoriales, associations… une question de partages et d’échanges ?
Véronique Franck–Manfredo de la Ville de Paris insiste quant à elle sur la question des territoires à redynamiser et des échanges et du partage à recréer au sein des petites villes de la couronne parisienne. Une collaboration entre la Ville de Paris, la mission Résilience et l’association des maires ruraux de France est engagée en trois étapes :
- cartographier les lieux de résidence des agents,
- proposer des sites de coworking dans des zones plus denses,
- partager des sites de coworking avec d’autres télétravailleurs travaillant à proximité.
Georges Pastoret du Conseil Départemental de l’Hérault préfère prône les vertus de mixité des métiers et des filières au sein de ces nouveaux lieux de travail. En 2019, 38% des télétravailleurs utilisent des télécentres ou sites distants, des antennes du département.
Mais l’utilisation des connexions à distance ne constituent-elles pas un risque de perdre ou de divulguer des informations sensibles ? Bruno Garguet-Duport , DSI du Pays Voironnais, explique comment sécuriser un système d’information en créant sur les postes de travail des espaces virtuels et un accès à distance basé sur un système à double authentification.
Tiers lieux : un enjeu de mobilité
Enfin, le développement du télétravail et des tiers lieux a également une autre vertu : il permet de favoriser la mobilité. Julien Lovey et Sonia Teillac du cabinet franco-suisse CITEC, spécialisé dans les plans de mobilité en atteste : les plan de mobilité doivent comporter plusieurs options et le télétravail en constitue une.
La journée se conclue sur le témoignage de Stéphane Capgras de la communauté d’agglomération de Gaillac Graulhet. Suite à une étude réalisée par le cabinet CITICA à l’aide de l’outil d’aide à la décision sur les tiers lieux, CITISTATS, un diagnostic du territoire orienté tiers lieux a pu être réalisé :
- quel est le potentiel du territoire en tiers lieux, compte-tenu des actifs résidents sur le territoire et des flux domicile-travail de ces actifs ?
- quelle est la typologie des utilisateurs de ces tiers lieux (télétravailleurs salariés, coworkers indépendants, actifs avec des profils de mobilité spécifiques) ?
Pour Stéphane Capgras, la mobilité redessine les enjeux territoriaux sur l’implantation des lieux de travail. L’étude a permis d’optimiser le positionnement des tiers lieux en fonction des flux réels de mobilité professionnels.
> Également à lire sur le site de la Fondation Travailler autrement, Mission Coworking – Faire ensemble pour mieux vivre ensemble