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#Travail : Le Covid-19 creuse les inégalités entre les hommes et les femmes

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ». Ces mots de Simone de Beauvoir résonnent aujourd’hui, alors que la pandémie, qui perdure, aggrave les inégalités entre les hommes et les femmes. C’est notamment le cas au sein de la sphère professionnelle.

Le télétravail constitue une charge mentale supplémentaire pour les femmes

D’après une étude Deloitte Global menée en septembre 2020 dans 9 pays (dont la France), plus de 8 femmes sur 10 estiment que leur vie a été négativement perturbée par la pandémie du Covid. Celle-ci a fait émerger le risque d’un retour à des rôles traditionnels : alors que la charge de travail a augmenté pour 1/3 des femmes qui ont télétravaillé, beaucoup ont également dû faire face à une augmentation des tâches ménagères et de la garde des enfants, de manière déséquilibrée par  rapport à leur conjoint. D’après Eurofound, lors de la première vague, en Europe, 7% des hommes (dans les familles avec un enfant de moins de 11 ans) affirment que la famille les a empêchés de se consacrer à leur travail, contre 26% des femmes. Un constat qui n’est pas étonnant lorsqu’on sait que 29% des femmes qui télétravaillaient disposaient d’une pièce spécifique pour travailler, contre 47% des hommes.

Comme l’explique l’article de Welcome to the Jungle, le reconfinement a annoncé le retour de la « Wonder Woman », « cette femme élastique hyper performante qui arrange tout le monde, sauf elle ». Et alors que beaucoup de femmes essaient de naviguer à travers cette charge mentale, les attentes de la plupart des employeurs n’ont pourtant pas évolué. Réticents au télétravail, ils ont dû le mettre en œuvre souvent sans préparation, tout en restant méfiants vis à vis du distanciel. Leur manie de vouloir tout contrôler (l’importance des horaires fixes, le management autoritaire, le manque de lâcher-prise….) les ont encouragé à favoriser le retour au bureau dès que cela est possible. Distanciel et présentiel créent toujours des difficultés pour de nombreux managers. Et, selon Deloitte, 70% des femmes actives se préoccupent de l’impact que la pandémie pourrait avoir sur l’avancée de leur carrière dans ces conditions.

La lutte contre les inégalités persistantes est reléguée au second plan

Alors que nous gardons en tête la citation de S. de Beauvoir, il faut constater que dans les entreprises et notamment dans les services RH, tous les projets « Hors Covid », et parmi eux la lutte pour l’égalité entre les genres, ont été suspendus pour donner la priorité au maintien des emplois. Les entreprises ont repris progressivement leurs missions mais le retard reste considérable, et beaucoup d’audits et de formations allant dans le bon sens ont été reportés voire annulés.

Pourtant la réalité est toujours la même. Au niveau de l’égalité salariale, le retard continue : le 4 novembre 2020 à 16h, les femmes, qui perdent en France 39,2 jours ouvrés de travail rémunéré par rapport aux hommes, ont commencé à travailler gratuitement pour le reste de l’année 2020. L’écart entre les salaires diminue trop lentement, et les progrès à faire sont encore considérables.

Une partie de ce constat est dû au manque de considération de la société envers les femmes. Elles sont bien moins nombreuses que les hommes dans les instances dirigeantes, notamment parce qu’elles ont tendance à se dévaloriser ; selon un sondage de l’entreprise de coaching Chance, 72% des salariées françaises (contre 46% des hommes) pensent ne pas demander ou préféreraient renoncer à une augmentation aujourd’hui, alors que leur entreprise a pu pâtir de la crise économique.

Il est temps de trouver des solutions durables

Les mentalités sont néanmoins favorables à un traitement plus équitable et davantage de solidarité, et la majorité des hommes seraient prêts à partager le montant de leur rémunération pour faire avancer la cause de l’égalité salariale. Plusieurs études montrent aussi que les entreprises affichant plus de parité et de diversité enregistrent une meilleure performance économique et sociale.

Il ne devrait bien sûr pas y avoir besoin de justifier la nécessité d’embaucher les femmes dans les entreprises, tout comme on ne devrait pas avoir à mettre en place des politiques d’inclusion ou des quotas. D’autant plus que certaines entreprises font du choix d’une femme un argument de marketing au lieu d’en faire un choix rationnel.

Il y a donc toujours du chemin à parcourir, et les entreprises doivent en faire leur priorité. Il n’existe pas de solution unique pour revaloriser la place des femmes dans la société ni dans le monde du travail, mais quelques pistes peuvent être proposées. Pour commencer, en cette période de pandémie, il faut s’assurer que le travail à distance ne soit pas installé sans avoir réglé les dysfonctionnements préexistants. Le meilleur moyen reste la communication, et l’échange de propositions. Managers, restez ouverts sur l’idée du travail à distance et des horaires flexibles ; vos salarié.e.s seront plus en confiance, plus motivé.e.s, et donc à terme plus performants. Il faut aussi inscrire de manière générale dans la culture de l’entreprise le respect de l’inclusion, le combat pour l’égalité salariale et le bien-être des salarié.e.s. Les plans de relance économique doivent également prendre en compte les inégalités mises en évidence par la crise, pour compenser par des mesures concrètes le risque que les résultats de plusieurs décennies de progrès ne disparaissent.

La situation actuelle nous a amené à basculer dans des nouveaux modes de travail par la contrainte, sans préparation. Mais nous devons donner le meilleur de nous même pour s’assurer du bien-être des autres, et au lieu de pointer du doigt les mauvaises conduites, encourager au contraire les managers et les entreprises innovantes qui vont dans le bon sens.

> Également à lire sur le site de la Fondation Travailler autrement, Management confiné, management réinventé ?,  Comment la crise du Covid-19 a-t-elle accéléré la transformation du travail ?