Quelles difficultés pour le travail et l’emploi de demain ?
Les 7èmes rencontres pour le travail et l’emploi ont eu lieu le 22 mars 2022. Evènement organisé par Prism’emploi, une organisation professionnelle des entreprises de travail temporaire et de recrutement, et soutenu par AG2R la Mondiale, il a permis de réunir de nombreux intervenants autour de sujets liés aux difficultés et solutions concernant le monde du travail et au marché de l’emploi en France. Recrutements, régulations des nouvelles formes d’emploi et réformes ont donc été au cœur de ces échanges.
Réduire les difficultés de recrutement…
Pour Sylvie Charrière, députée LREM de Seine-Saint-Denis rapporteure de la Loi “Liberté du choix de son avenir professionnel”, les difficultés de recrutement doivent être anticipées dès l’école. En effet, l’écart serait parfois important entre les attentes du monde du travail et de l’entreprise et ce qui est enseigné à l’école. Pour la députée, il s’agit là de réfléchir à la construction d’écosystème favorables aux circuits-courts afin de créer des bassins d’emploi sur tout le territoire. L’élue ajoute que, alors que l’enseignant est deuxième dans l’ordre d’importance pour la décision d’un jeune pour son avenir professionnel, les professeurs devraient avoir des stages en entreprises pour mieux rendre compte de ces réalités auprès des élèves.
L’apprentissage est également un bon moyen d’adapter la formation aux attentes de l’entreprise. Même si le record de contrats signés a été largement battu en 2021, Pascal Picault, président de la Fédération nationale des directeurs de CFA/OFA (FNADIR), considère qu’il faut encore développer une culture de l’apprentissage en France pour fluidifier l’inclusion des jeunes au marché du travail. De plus, il propose de mettre en place une formation de pédagogie dans les entreprises pour apprendre aux futurs tuteurs à bien manager les apprentis.
Directeur général de l’APEC, Gilles Gateau observe des tensions particulièrement importantes chez les cadres, un constat approuvé par le fait que 80% des entreprises qui ont prévu de recruter un cadre en 2022 pensent que leur recherche sera complexe. Mais ces difficultés ne sont pas nouvelles, elles existaient avant la crise et sont multifactorielles. Pour lui, outre la formation à anticiper, il faut travailler avec les recruteurs, notamment ceux de TPE/PME qui ne disposent pas de service RH, pour changer le regard sur les recrutements notamment à l’égard des seniors cadres, qui seraient plus de 100 000 au chômage. Pourtant, un cadre sur 5 rompt son contrat dans les 2 ans qui suivent son embauche, ne pas recruter un senior qui pourrait rester plus longtemps dans l’entreprise apparaît donc comme une erreur.
En gardant un œil sur les nouvelles formes d’emploi…
Le travail de plateforme se multiplie depuis près de 10 ans en France, et les nouvelles régulations à ce sujet ne font que commencer. Cette forme d’emploi particulière créé une “porosité entre salariat et travail indépendant” d’après Martine Berthet, sénatrice LR de la Savoie, co-rapporteure de la mission d’information sur l’évolution des modes de travail et les défis managériaux. Alors que les chauffeurs – livreurs ont obtenus des premières régulations, avec notamment la mise en place d’une protection sociale, il y a bon espoir d’une structuration plus forte depuis les propositions de la Commission Européenne en décembre 2021. Il s’agit de réguler sans casser la dynamique du développement des plateformes, sources de nombreux emplois, tout en préservant l’autonomie, si ce n’est l’indépendance, des travailleurs.
Pour Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT, deux principales nouvelles formes de travail sont apparues, ou se sont développées, à la suite de la crise sanitaire : le télétravail et les micro-entreprises. Concernant le télétravail, la sénatrice Martine Berthet considère qu’il faut former les manager et sensibiliser les salariés sur la santé en télétravail. Une réflexion concernant l’aménagement des locaux et les espaces de travail partagés, ou tiers-lieux, doit également avoir lieu pour permettre à chacun de télétravailler convenablement. Ainsi, les nouvelles formes d’emploi impliquent une certaine innovation de l’emploi, de la part des entreprises comme des pouvoirs publics.
Puis innover pour l’emploi
Franck Morel, spécialiste travail, emploi et dialogue social à l’Institut Montaigne, appelle à donner plus d’espace à la négociation collective et d’entreprise pour permettre aux organisations de mieux maîtriser leur sort. Via le dialogue social, il faut apporter des garanties et de la sécurité aux nouvelles formes d’activités parfois encore instables. Enfin, il va falloir faire face aux défis des compétences. Alors que les métiers vont changer, les moyens d’information professionnelle et les dépenses de formation devront permettre d’orienter les actifs vers les besoins de l’économie.
Sur le sujet des compétences, Antonin Bergeaud, économiste à la Banque de France, constate une demande croissante de soft skills difficilement observables en amont. Or, si ces compétences ne sont pas déjà présentes, leur acquisition est complexe car elle nécessite des changements dans la personnalité même des salariés. Pour vérifier ces soft skills, l’économiste propose de se servir de l’interim comme intermédiaire. Par ailleurs, les entreprises attendent de plus en plus de compétences techniques spécifiques. Dès lors, il peut être pertinent de repenser le rôle de l’entreprise dans la formation des salariés. En parallèle, Carole Grandjean, Députée LREM de Meurthe-et-Moselle, souhaite mieux territorialiser les dispositifs pour recréer une proximité de l’emploi.
Pour Patrick Martin, président délégué du MEDEF, il faut apporter des corrections aux disciplines scientifiques en formation initiale, trop en-dessous des niveaux étrangers. De plus, il préconise de mieux régionaliser les acteurs opérationnels en matière de formation pour créer des bassins d’emploi. En ce qui concerne le télétravail, qui semble perdurer après la crise, il va falloir se doter d’outils permettant de prendre en considération l’autonomie des salariés selon Franck Morel. Pour lui, il faudrait décompter le temps de télétravail en jour pour permettre au travailleur de fractionner sa journée ce qui lui apporterait une certaine souplesse dans l’organisation de ses tâches.
Ainsi, plusieurs pistes d’innovation s’offrent pour l’emploi et plusieurs sujets doivent être mieux pris en compte pour suivre l’évolution des entreprises, de l’emploi et du marché du travail.
> Pour aller plus loin, retrouvez sur le site de la Fondation : le Sommet de l’Inclusion économique et quel management des talents aujourd’hui ? Et demain ?